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LU. La Libération de Paris [1944 : la France libérée 3/4] - MinAr

Posté le mercredi 12 juin 2024
LU. La Libération de Paris [1944 : la France libérée 3/4] - MinAr

À Paris, la nouvelle des succès alliés se répand comme une traînée de poudre. Dans la triste ville, où les balcons sont aménagés en poulaillers pour combattre la faim, les habitants vivent depuis quatre ans sous le joug de l’occupant. La peur, celle de la violence arbitraire amplifiée par les hurlements quotidiens des sirènes, laisse place à l’agitation et, surtout, à l’espoir. 

Paris outragé, mais bientôt libéré. Depuis le 10 août, à l’appel de la Confédération générale du travail, les cheminots ne se présentent plus à leur poste. « Plus une usine, plus un camion, plus un train ne doivent servir aux Boches1. En avant vers la grève générale ! », relaie un tract du Front national2. Le Comité parisien de la libération étend le mot d’ordre aux autres professions. Cinq jours plus tard, 15 000 policiers refusent de revêtir leur uniforme. Pour éviter que le mouvement ne se généralise, les officiers SS choisissent la terreur. Trente-cinq résistants, âgés de 18 à 22 ans, sont fusillés le lendemain devant la cascade du bois de Boulogne.

Mais la Gestapo ne fait que souffler sur les braises de l’insurrection. La situation se tend. L’arrêt des usines et le sabotage des chemins de fer paralysent la vie économique. Le charbon manque, les étalages se vident… Paris est au bord de l’asphyxie et ses habitants sont déterminés à chasser l’occupant. Le 18 août, le chef régional des FFI, le communiste Henri Tanguy, plus connu sous le nom de « colonel Rol-Tanguy », appose à la tombée de la nuit des affiches dans toute la ville. Le mot d’ordre : « Attaquer l’ennemi partout où il se trouvera. »

Au petit matin, l’insurrection commence. Les gaullistes organisent la prise de la préfecture de police de Paris. Dès lors, la bataille s’annonce féroce pour chasser les 20 000 soldats allemands commandés par le général Dietrich von Choltitz. Les FFI n’ont ni chars, ni canons, ni mitrailleuses3. Cela ne les empêche pas de se battre. L’Hôtel de Ville tombe entre les mains de la Résistance le 20 août. Néanmoins, face au manque d’armes, Rol-Tanguy envoie le commandant Cocteau, dit « Gallois », traverser la ligne de front pour hâter l’arrivée des Alliés.

Ces derniers sont proches, à environ 50 kilomètres de la capitale. Pourtant, les plans tactiques du général Eisenhower ne sont pas ceux espérés par les Parisiens : les soldats amorcent le contournement de la capitale pour rejoindre directement la Lorraine. Lorsqu’il l’apprend, de Gaulle s’insurge contre le général américain : « Je me vois obligé d’intervenir et de vous inviter à y envoyer mes troupes. » Pour le chef des Français libres, il faut faire vite avant que l’insurrection ne soit écrasée. Il s’agit aussi d’éviter l’installation d’un pouvoir communiste à Paris. Ce soulèvement populaire doit, au contraire, Une autre lutte se déroule ainsi à l’arrière du front entre gaullistes, communistes et Américains pour l’avenir politique de la France.

Paris doit donc être libéré par les Français. Cette mission, le général Leclerc la prend à cœur. Impatient de la mettre à exécution, il envoie immédiatement une colonne blindée sur Paris avant même d’en avoir reçu l’ordre par les Américains. L’insistance de Leclerc, les revendications de de Gaulle et l’arrivée à point nommé de Gallois convainquent le général Eisenhower de changer ses plans. Ce dernier ordonne à la 2e DB de faire route vers Paris, accompagnée de la 4e division d’infanterie américaine. Le 23 août à 6 heures du matin, 15 000 soldats, 4 000 véhicules et 400 chars s’élancent alors dans une course folle vers la capitale.

« Tenez bon ! »

Dans Paris, la population se bat. Depuis la veille, la Résistance tient la majorité des bâtiments. Rol-Tanguy a fait placarder des affiches expliquant la fabrication des cocktails Molotov. « Les Parisiens […] pouvaient trouver toutes sortes d’instructions : comment construire des barricades, comment attaquer les chars… »4, explique-t-il. Mais la situation s’enlise. Les 500 barricades qui ont fleuri dans toute la ville n’arrêtent pas les chars allemands. Les Alliés sont attendus. Retenu par des combats sanglants dans la banlieue sud, le général Leclerc fait survoler l’Hôtel de Ville par un avion, avec un message : « Tenez bon, nous arrivons ! » Le soir, trois chars de la 2e DB parviennent à se frayer un chemin dans la capitale. Pour célébrer leur arrivée, les cloches de Notre-Dame, muettes depuis 1940, sonnent. À leurs tintements se mêlent ceux de tous les clochers parisiens : la grande bataille s’annonce.

Le 25 août, la division Leclerc et la 4e d’infanterie américaine entrent dans Paris. La population, après la surprise de voir des uniformes français, étreint ces soldats mal rasés et souriants. Les affrontements sont violents, mais les Allemands retranchés cèdent petit à petit. En début d’après-midi, l’hôtel Meurice, quartier général de von Choltitz, est pris d’assaut. Ce dernier est capturé et signe sa reddition dans la salle des billards de la préfecture de police. Dès lors, les derniers blockhaus se rendent.

Il est 17 heures, le général de Gaulle arrive sur Paris. Leclerc lui tend l’acte de capitulation : Paris est libéré. Devant l’Hôtel de Ville et les Parisiens en joie, il s’exclame : « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé !  Mais Paris libéré ! » Le lendemain, la foule se rassemble sur la place de l’Étoile pour acclamer les héros de la Libération. Certains y voient un risque sécuritaire énorme, néanmoins de Gaulle réplique : « Le défilé fera l’unité politique de la Nation. »

Au pas militaire, il s’élance : « Devant moi, les Champs-Elysées. Ah ! C’est la mer ! […] Si loin que porte ma vue, ce n’est qu’une houle vivante, dans le soleil, sous le tricolore. » Pourtant, la bataille n’est pas terminée. Le soir même, Paris est bombardé. Il faudra attendre le 29 août pour que les troupes allemandes se replient définitivement vers l’est. De son côté, la 2e DB reprend la marche en direction Strasbourg. (Suite dans l’épisode 4).

1 Terme péjoratif pour désigner les Allemands.

2 Le Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France est un mouvement de la Résistance intérieure créé par le Parti communiste français (PCF) en 1941.

3 Christophe Forcari et Laurent Joffrin, « août 1944 : la liberté guidant Paris », in Libération, 22 août 2014.

4 « La Libération de Paris racontée par Henri Rol-Tanguy, Léo Hamon, Roger Cocteau- Gallois et Raymond Dronne », sur France culture, 1964.

Source : Ministère des Armées