Vision Ukraine : l’Œil stratégique au 18 avril 2025 l’analyse de Laurent Le Mentec

Vision Ukraine : l’Œil stratégique au 18 avril 2025 l’analyse de Laurent Le Mentec

Ce 18 avril 2025, des négociations cruciales se déroulent à Paris pour jeter les bases d’un cessez‑le‑feu et de garanties de sécurité, tandis que l’Ukraine enregistre des gains territoriaux près de Pokrovsk et hausse le ton contre Pékin pour son soutien militaire à Moscou.

Les États‑Unis se préparent à signer un accord sur les minéraux ukrainiens, mais ont rejeté une résolution onusienne qu’ils jugent trop floue pour condamner explicitement l’agresseur russe.

Sur le front, Kiev reprend Pishchane et Kotlyne (soit environ 16 km²), repousse une offensive près de Pokrovsk et maintient une pression constante pour renforcer sa défense anti‑aérienne.

Au plan économique, la Banque centrale garde son taux à 15,5 % pour juguler l’inflation, alors que l’Allemagne s’engage à fournir de nouveaux systèmes IRIS‑T, chars Leopard 1 et milliers d’obus.

Enfin, les populations de Zaporijia et Kherson s’inquiètent d’être exclues des discussions territoriales, et Volodymyr Zelensky réprime Donald Trump pour avoir qualifié la frappe meurtrière de Soumy d’« erreur ».

Diplomatie & négociations
Les pourparlers de Paris, coorganisés par le secrétaire d’État américain Marco Rubio et l’envoyé spécial de Trump Steve Witkoff, réunissent des représentants ukrainiens, européens et russes dans le but de finaliser un cessez‑le‑feu et d’établir une force multinationale de maintien de la paix.

Selon Emmanuel Macron : « Ces discussions ont été excellentes et pourraient aboutir à une paix solide ».

Pour la première fois, Volodymyr Zelensky a publiquement accusé la Chine de fournir directement armes et poudre à canon à la Russie, rompant avec la neutralité affichée jusque‑là par Pékin.

Parallèlement, un mémorandum d’entente sur l’accès aux minéraux rares ukrainiens pourrait être signé à Washington le 24 avril, ouvrant la voie à une coopération stratégique sur les ressources critiques.

Déclarations marquantes
« C’est un meurtre ! » Volodymyr Zelensky a violemment réagi à la qualification de « mistake » utilisée par Donald Trump pour décrire le bombardement russe de Soumy, où au moins 34 civils sont morts, dénonçant une minimisation indigne de la tragédie.

« Mistake » Donald Trump a défendu son terme en déclarant qu’il fallait « poser la question » aux responsables militaires, suscitant une clarification de la Maison‑Blanche pour affirmer que Washington ne lâcherait pas son soutien à Kiev.

« Le territoire, c’est d’abord les gens » Volodymyr Zelensky a rappelé que les discussions sur le statut de Kherson et Zaporijia doivent impérativement intégrer la voix des habitants, critiquant l’absence de référendum libre pour déterminer leur avenir.

Soutiens et blocages internationaux
ONU : Washington a voté contre une résolution qui n’identifiait pas nommément la Russie comme agresseur, la jugeant peu propice à avancer vers la paix.

États‑Unis : Au-delà du futur accord minéral, l’administration Trump retarde certaines livraisons d’assistance militaire, favorisant un dialogue direct avec Moscou.

Allemagne : Berlin va livrer quatre systèmes IRIS‑T, 15 chars Leopard 1 et 100 000 obus, et fournira bientôt 60 missiles IRIS‑T supplémentaires pour renforcer la défense anti‑aérienne.

Regards locaux
Les habitants de Zaporijia et Kherson vivent dans une atmosphère d’incertitude permanente, confrontés à l’absence d’infrastructures de base et à la peur d’un retour des autorités russes, « sans même pouvoir respirer », selon plusieurs témoignages recueillis par Meduza.

À Zaporijia, le maire pro-ukrainien Ivan Fedorov a souligné que certaines zones libérées manquent encore d’eau courante, d’électricité et de services médicaux, tandis que leurs représentants sont exclus des décisions stratégiques.

La proposition de Steve Witkoff de reconnaître la souveraineté russe sur Zaporijia et Kherson a provoqué un choc parmi les riverains, qui estiment qu’on décide de leur sort sans consulter les populations concernées.

Économie & reconstruction
La Banque centrale d’Ukraine a maintenu son taux directeur à 15,5 % le 17 avril 2025, justifiant cette posture par la nécessité de maîtriser une inflation prévue à 8,7 % d’ici fin 2025, tout en abaissant sa prévision de croissance à 3,1 % (contre 3,6 % précédemment).

Sur le plan international, la plateforme des donateurs de l’UE a confirmé un appui financier prévisible, destiné à couvrir les besoins de réparation, de reprise économique et de reconstruction, avec un besoin de financement externe de 39,3 milliards $ en 2025.

Parallèlement, l’accord sur les minéraux rares, dont un mémorandum d’entente pourrait être signé le 24 avril, prévoit la création d’un fonds conjoint alimenté par l’exploitation des ressources, pour financer des projets d’infrastructures et diversifier les revenus.

Enfin, la Commission européenne a débloqué 1 milliard d’euros additionnels dans le cadre du G7, dédiés à la modernisation des réseaux énergétiques, à la réparation des ponts et aux systèmes d’approvisionnement en eau, sans obligation de remboursement direct pour l’Ukraine.

Situation sur le front
1. Situation
A. Forces ennemies
Situation générale

La contre-offensive de printemps russe a été lancée le 9 avril 2025 sur plusieurs secteurs (Soumy, Kherson, Zaporijia, Donetsk, Luhansk) dans l’objectif d’étendre la pression simultanée sur l’ensemble du front ukrainien.

Fédération de Russie (Koursk/Soumy)

Les forces russes ont continué leurs assauts terrestres dans la zone de frontière Koursk–Soumy le 10 avril, sans progresser de manière confirmée, tout en déployant des éléments du 144ᵉ et du 1434ᵉ régiments motorisés pour maintenir la pression.

Selon le MoD UK, environ 5 000 combattants nord-coréens ont subi des pertes importantes dans l’oblast de Koursk, avec près d’un tiers hors de combat.

Oblast de Belgorod

Les milblogueurs russes rapportent des contre-attaques ukrainiennes près de Demidovka et Popovka (nord-ouest de Belgorod) le 10 avril, sans percée durable.

Axe Nord (Soumy)

Assauts continus vers Soumy City ; les reconnaissances ukrainiennes signalent des tentatives de repérage de points faibles, repoussées à chaque fois.

Axe Est

Oblast de Kharkiv : opérations offensives limitées vers Hlyboke et Vovchansk les 9–10 avril, sans avancées notables.

Oblast de Louhansk : multiples assauts dans le secteur de Kupyansk (Kamyanka, Fyholivka) et Borova (Zahryzove, Serhiivka), tous stoppés par la défense ukrainienne.

Oblast de Donetsk  : offensives russes vers Siversk (Dronivka, Bilohorivka), Chasiv Yar (Kurdyumivka, Stupochky) et Toretsk (T‑0516), sans consolidation de terrain malgré quelques avancées marginales.

Axe Sud (Zaporijia/Dniepr)

Zaporijia : nouvelle tactique de « mass assault » (320 hommes, 40 véhicules, 3 chars) près de Pyatykhatky–Stepove ; assaut repoussé en 2h30 de combat selon l’état-major ukrainien.

Dniepr (Kherson) : opérations limitées sur la rive droite, sans gain de terrain les 9–10 avril.

B. Forces amies
L’armée ukrainienne tient l’ensemble du front, menant des frappes de drones contre la 112ᵉ brigade de missiles à Shuya (Ivanovo) pour la deuxième nuit consécutive.

Les partenaires de la Ukraine ont promis 21 milliards d’euros d’aide militaire lors du dernier Ukraine Defense Contact Group à Bruxelles.

2. Mission
Stopper toutes incursions russes sur les axes Nord, Est et Sud ; préserver l’intégrité défensive nationale, contre-attaquer localement pour harceler les forces adverses, et maintenir la liberté d’action des frappes de profondeur.

3. Exécution
A. Concept opérationnel
Défense mobile (élastique) : stopper les percées ennemies sur chaque axe via une combinaison de positions fortifiées, de contre-attaques mobiles et de pièges antichars.

Frappe en profondeur : poursuivre les raids de drones et missiles contre les lignes logistiques russes (Koursk, Shuya) pour désorganiser leurs approvisionnements.

Contre‑attaque : exploiter toute faiblesse révélée par les assauts russes pour reprendre l’initiative tactique.

B. Missions par axe
Fédération (Kursk/Soumy)

92ᵉ brigade mécanisée : Tenue de Sudzha et Basivka, patrouilles anti‑drone : J0–J+2

Axe Nord (Soumy)

128ᵉ brigade d’infanterie motorisée : Blocage des assauts à Konotop, couverture d’artillerie : J0–J+3

Oblast Kharkiv

25ᵉ brigade aéroportée : Surveillance de Vovchansk, préparation d’embuscades : J0–J+2

Louhansk Oblast

57ᵉ brigade blindée : Contre‑batterie autour de Kupyansk, défense de Borova : J0–J+4

Donetsk Oblast

42ᵉ brigade d’infanterie : Renforcement de Siversk, réserve mobile à Chasiv Yar : J0–J+5

Axe Sud

47ᵉ brigade aéroportée : Préparation embuscades antichars à Mala Tokmachka : J0–J+2

(J0 = 18 avril 2025)

C. Coordination et phases
Phase 1 (J0–J+1) : renforcement des points d’appui, déploiement de C-RAM et de drones ISR sur tous les axes.
Phase 2 (J+2–J+3) : contre-attaques locales sur les secteurs affaiblis, interdiction des axes de renforts ennemis.
Phase 3 (J+4–J+5) : consolidation des positions gagnées, rotations de réserve, intensification des frappes de longue portée.
4. Soutien
Logistique : ravitaillement en munitions et carburant J+1, stock de réserve pour 72 h dans chaque région.
Maintenance : ateliers mobiles repositionnés à Soumy et Sloviansk, rotation blindés tous les 48 h.
Renforts : 2 compagnies de chars en alerte à Dnipro, disponibles sous 4 h.
Aide extérieure : entrée en service imminente de systèmes Patriot (US), livraison de 100 drone kamikaze (UE).
5. Commandement et transmissions
QG opé : Soumy
PC tactiques : Kharkiv, Zaporijia
Coms : fréquence principale xxx MHz, réseau secondaire Starlink
Renseignement : liaison permanente avec OSINT (Beholder drones), intégration feed ISR quotidienne.
En conclusion
Alors que les armes se taisent peut‑être pour un temps à Paris, les débats qui s’y tiennent pourraient sceller l’avenir de toute une région.

Les avancées tactiques de Kiev sur le terrain renforcent la position ukrainienne, mais sans un accord politique solide et des garanties de sécurité internationales — intégrant la voix des populations concernées à Zaporijia et Kherson —, aucun cessez‑le‑feu ne saurait être durable.

L’enjeu économique et humanitaire reste tout aussi vital : entre le maintien d’une politique monétaire rigoureuse et l’afflux de nouvelles aides militaires et financières, l’Ukraine doit préparer sa reconstruction tout en se défendant.

Gardons à l’esprit que chaque accord de Paris et chaque munition livrée façonnent le fragile équilibre entre guerre et paix.

Laurent Le Mentec

Source : cabinet conseil Vision Sûreté
18/04/2025

 Conception et rédaction par [Vision Sûreté : LLM]