Impliqués dans le Global Combat Air Program [GCAP], qui vise à développer un chasseur-bombardier de 6e génération, le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon ont annoncé, en décembre dernier, la création d’une entreprise commune détenue, à parts égales, par BAE Systems, Leonardo et Japan Aircraft Industrial Enhancement [JAIEC, qui réunit Mitsubishi Heavy Industries et Society of Japanese Aerospace Companies].
À cette occasion, selon la presse britannique, un responsable de BAE Systems a « chambré » le Système de combat aérien du futur [SCAF], le projet concurrent mené par la France, l’Allemagne et l’Espagne. « J’espère que vous conviendrez avec moi que le GCAP est le seul programme crédible de sixième génération en dehors de ceux menés par la Russie, la Chine et les États-Unis », aurait-il dit.
Cela étant, il est vrai que pour Éric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, la coopération telle qu’elle a été organisée autour du SCAF n’est pas un modèle d’efficacité, d’autant plus que l’avionneur français, pourtant désigné maître d’œuvre pour l’avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter] sur lequel doit reposer ce projet, n’a pas les coudées franches avec les filiales allemande et espagnole d’Airbus.
« On n’est pas capable de répartir le travail en fonction de ce que nous pensons. Il faut composer, négocier en permanence », a dit M. Trappier, lors d’une audition parlementaire, le 9 avril.
Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Challenges, le Délégué général pour l’armement [DGA], Emmanuel Chiva, a estimé qu’il fallait « réinterroger la manière dont nous faisons nos coopérations ».
Et d’ajouter : « On part d’une situation dans laquelle ce qui était important, c’était d’avoir des coopérations avec un partage des tâches très équilibré entre les industriels des différents pays. Il fallait vérifier que tout le monde était servi, que les petits drapeaux nationaux étaient harmonieusement placés, même si certains industriels étaient moins compétents que d’autres. Désormais, on se rend compte qu’il faut aller vite, et que tout le monde n’est pas bon dans tout ».
Pour autant, même s’il a suggéré qu’il allait dans le sens du PDG de Dassault Aviation, M. Chiva, comme le SCAF s’inscrit dans le long terme, il ne « faut pas lâcher la proie pour l’ombre ». Aussi, a-t-il continué, « nous allons poursuivre un certain nombre de coopérations telles qu’elles sont pratiquées aujourd’hui, mais pour les domaines où les besoins sont urgents, il faut revoir le modèle ».
Cependant, la coopération entre les trois pays du GCAP n’est pas sans nuage. En témoignent les propos tenus par Guido Crosetto, le ministre italien de la Défense, auprès de l’agence Reuters, le 15 avril. En effet, il a déploré le fait que le Royaume-Uni « ne partageait pas pleinement les technologies » avec l’Italie et le Japon, sans donner de détails.
Étant donné que BAE Systems et Rolls-Royce sont les principaux industriels britanniques impliqués dans le GCAP, on peut supposer que les critiques de M. Crosetto leur étaient adressées.
« Il faut abattre les barrières de l’égoïsme. L’Italie les a complètement brisées, le Japon presque. Il me semble que le Royaume-Uni est beaucoup plus réticent à le faire et c’est une erreur, car l’égoïsme est le pire ennemi des nations », a développé le ministre transalpin.
Pour lui, « il n’y a plus personne qui puisse être considéré comme de première ou de seconde classe et qui veuille défendre les anciens héritages ».
Ce n’est pas la première fois que des critiques sur la coopération autour du GCAP se font entendre en Italie. En octobre 2023, alors que des discussions entre les trois pays partenaires étaient en cours en vue d’un accord visant à établir une structure intergouvernementale – appelée GIGO – pour conduire ce programme, le PDG de Leonardo, Roberto Cingolani, avait plaidé pour revoir la participation italienne à la hausse.
« Nous disposons de capacités très solides d’un point de vue technique. Notre position [dans le programme] doit être revue à la hausse. […] Nous pensons que nous disposons de compétences beaucoup plus avancées dans certains domaines. Nous voulons les mettre sur la table et rivaliser d’égal à égal avec nos partenaires britanniques et japonais », avait-il déclaré.
Quoi qu’il en soit, sollicité par Reuters, le ministère britannique de la Défense [MoD] s’est borné à dire que le GCAP était un « exemple majeur de la force des programmes conjoints ». Et « les capacités que nous construisons ensemble sont à la pointe de la science et de l’ingénierie », a-t-il continué. « Ensemble, nous allons faire décoller l’un des avions de combat les plus avancés au monde », a-t-il assuré.
Par ailleurs, M. Crosetto a rappelé que l’Italie est favorable à une participation de l’Arabie saoudite au GCAP. C’est un pays « qui a besoin de croissance technologique » et qui « dispose de plus de ressources » que les trois partenaires actuels. Or, si le Royaume-Uni est ouvert à cette idée, ce n’est pas forcément le cas du Japon. Cela étant, ce programme pourrait s’ouvrir à l’Australie et au Canada.
Source : Opex360
16/04/2025