Peur ou inquiétude ?

Sans faire de sémantique, on peut penser que l’inquiétude, qui est un état de préoccupation empêchant la sérénité, précède la peur que le dictionnaire Robert définit comme une « émotion qui accompagne la prise de conscience d’une menace, d’un danger ».

Les mots ont un sens, surtout dans le contexte géopolitique actuel.

Les gouvernants des pays européens, et plus particulièrement ceux situés à l’Est, manifestent quelque anxiété quant à la situation créée par l’invasion d’une partie de l’Ukraine par la Russie, surtout depuis la réélection de Vladimir Poutine.

La Suède s’empresse d’adhérer à l’OTAN. Le Danemark envisage un service militaire pour les femmes. L’Allemagne, pourtant très près de ses sous, débloque d’un seul coup 100 milliards d’Euros pour son armée, etc…. Les exemples ne manquent pas.

Le Président de la République, quant à lui, décrète une économie de guerre avant de manifester ensuite sa préoccupation en envisageant la possibilité d’envoyer des troupes au sol en Ukraine.

Inquiétude ? Très probablement.

À se demander s’il ne met pas de l’huile sur le feu pour attiser encore plus l’inquiétude déjà manifeste chez les autres dirigeants européens ?

Mais commander c’est prévoir.

L’armée française, qui a montré ses très réelles qualités opérationnelles depuis des décennies a subi une attrition infligée par toutes les tendances politiques successives.  Formatée pour une guerre asymétrique que peut-elle faire maintenant que le vrai danger qui se profile est un conflit à haute intensité qu’elle n’est pas en mesure de tenir dans le temps ni dans l’espace ?

Pas une peur mais une vraie source d’inquiétude malgré une LPM quelque peu encourageante.

Reste l’opinion publique que le Président, dans une récente intervention télévisée, a essayé de sensibiliser à cette menace mais sans créer de psychose.

Résultat chez les Français ? Même pas peur, même pour les plus inquiets.

À vrai dire, la société française dans son ensemble, n’y croit pas ou ne veut pas y croire. Sa guerre, c’est le pouvoir d’achat, la santé, l’inflation, la sécurité intérieure, etc. Les medias n’en rajoutent pas mais font ce qu’il faut pour assourdir les bruits de botte.

La peur est communicative ; pas l’inquiétude, Dieu merci !

Le rôle des gouvernants n’est certes pas de créer l’angoisse ou la panique. Car si la peur n’élimine pas le danger elle peut tétaniser.

Par contre le rôle des politiques est d’anticiper l’avenir autant que faire se peut, pour gagner la guerre avant la guerre comme dit le CEMA, le général Burkhard.

Donc peur ou inquiétude ? Peu importe si l’on se souvient du Général Mac Arthur qualifiant une guerre perdue uniquement par ces deux mots : « Trop tard ».

 

Colonel (h) Christian Châtillon
 Délégué national de l’ASAF