Le Royaume-Uni et la Suède n’excluent pas d’envoyer des troupes en Ukraine en guise de garantie de sécurité

Le Royaume-Uni et la Suède n’excluent pas d’envoyer des troupes en Ukraine en guise de garantie de sécurité
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British Army

« Je suis le dernier d’une série de secrétaires à la Défense américains à avoir exhorté leurs alliés, en privé et en public, souvent avec exaspération, à respecter les objectifs convenus par l’Otan en matière de dépenses de défense ». Non, ce n’est pas Pete Hegseth, l’actuel chef du Pentagone, qui a tenu ces propos lors de la dernière conférence sur la sécurité de Munich… Mais l’un de ses prédécesseurs, à savoir Robert Gates, en juin 2011.

Alors que, à l’époque, l’administration du président Obama s’apprêtait à annoncer un « pivot stratégique » vers la région Asie-Pacifique, M. Gates s’en était pris aux pays européens qui profitaient de leur appartenance à l’Otan « sans en supporter ni les risques, ni les coûts ». Et d’ajouter : « C’est inacceptable ».

Ne s’était pas privé de faire la leçon aux Européens, M. Gates avait prévenu : « La dure réalité est que […] le corps politique américain dans son ensemble sera de plus en plus réticent à dépenser des fonds de plus en plus précieux au profit de pays qui ne semblent pas disposés à consacrer les ressources nécessaires […] pour devenir des partenaires sérieux et compétents pour leur propre défense ».

Par la suite, après l’annexion de la Crimée par la Russie, les membres de l’Otan prirent unanimement l’engagement de porter leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB d’ici 2024. Engagement que les pays baltes et la Pologne, parce qu’ils avaient une conscience plus aiguë de la menace que les autres, s’attachèrent à tenir. Et si la plupart des alliés sont désormais proches de cet objectif, quand ils ne l’ont pas dépassé, c’est parce qu’ils ont accentué leur effort de défense depuis la guerre en Ukraine.
 
D’ailleurs, deux jours après le début des hostilités, le chef d’état-major de la force terrestre allemande [Heer], le général Alfons Mais, avait d’ailleurs tiré un constat aussi critique que lucide.

« Vous vous réveillez le matin et vous réalisez qu’il y a la guerre en Europe. […] Dans ma 41e année de service en temps de paix, je n’aurais pas cru devoir vivre une autre guerre. Et la Heer que j’ai l’honneur de commander est plus ou moins à sec » au point que les « options politiques que nous pouvons proposer pour soutenir l’Otan sont extrêmement limitées », avait-il déploré. « Nous l’avons tous vu venir et n’avons pas pu faire passer nos arguments pour tirer et mettre en œuvre les leçons de l’annexion de la Crimée », avait-il ajouté.

En attendant, la situation en Ukraine n’évolue que très peu. Les Russes ont toujours le contrôle partiel de l’oblast de Kherson ainsi que celui de Zaporijia. En outre, ils continuent de progresser dans le Donbass. Dans le même temps, les Ukrainiens tentent de conserver les territoires conquis dans la région russe de Koursk, ceux-ci pouvant éventuellement servir de monnaie d’échange lors de négociations de paix à venir.

Celles-ci pourraient avoir bientôt lieu, le président américain, Donald Trump, ayant récemment fait savoir qu’il rencontrerait Vladimir Poutine, son homologue russe, probablement en Arabie Saoudite. Quelle place auront les Ukrainiens et les Européens dans ces discussions ? Là est la question…

Selon des informations publiées par le Wall Street Journal, en décembre, le plan de Washington consisterait à geler les combats sur les positions actuelles, à suspendre la candidature de l’Ukraine à l’Otan pendant au moins une vingtaine d’années et à mettre en place une zone démilitarisée qui, en guise de « garantie de sécurité » serait surveillée par des forces européennes, étant entendu que les États-Unis ne souhaitent pas s’y impliquer militairement.

À la même époque, le site Politico avait rapporté que le président Macron devait évoquer avec le Premier ministre polonais, Donald Tusk, un projet visant à envoyer une « force de maintien de la paix d’après-guerre en Ukraine » ayant l’équivalent de cinq brigades [soit 40 000 hommes]. Sans doute qu’il en serait encore question lors de la réunion informelle de chefs d’État et de gouvernement d’une poignée de pays européens [Italie, Allemagne, France, Espagne, Pologne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Danemark] qui doit se tenir à Paris, ce 17 février.

En tout cas, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a d’ores et déjà fait savoir que le Royaume-Uni serait prêt à envoyer des troupes en Ukraine, dans le cadre d’une mission de maintien de la paix « post-guerre ».

« Le Royaume-Uni est prêt à jouer un rôle de premier plan dans l’accélération des travaux sur les garanties de sécurité pour l’Ukraine. Cela passe par un soutien accru à l’armée ukrainienne, pour laquelle le Royaume-Uni s’est déjà engagé à verser 3 milliards de livres sterling par an jusqu’en 2030 au moins. Mais cela signifie également que nous sommes prêts et disposés à contribuer aux garanties de sécurité pour l’Ukraine en envoyant nos propres troupes sur le terrain si nécessaire », a en effet écrit M. Starmer, dans les pages du Telegraph.

« Je ne dis pas cela à la légère. Je ressens très profondément la responsabilité que représente le fait de mettre potentiellement en danger des militaires britanniques. Mais tout rôle visant à garantir la sécurité de l’Ukraine contribue à garantir la sécurité de notre continent et de notre pays. La fin de cette guerre, lorsqu’elle arrivera, ne peut pas simplement devenir une pause temporaire avant que Poutine n’attaque à nouveau », a ensuite justifié le locataire du 10 Downing Street.

Le Royaume-Uni n’est pas seule à être sur cette ligne. La Suède est en effet prête à suivre. Du moins, elle ne l’exclut pas.

« Nous devons d’abord négocier maintenant une paix juste et durable qui respecte le droit international […] Quand nous aurons cette paix installée, il faudra la maintenir et pour cela, notre gouvernement n’exclut rien », a en effet déclaré Maria Malmer Stenergard, sa ministre des Affaires étrangères, sur les ondes de la radio publique Sveriges Radio.

En revanche, la Norvège, qui partage une frontière avec la Russie, est plus circonspecte. « Le moment n’est pas venu pour discuter de l’envoi de soldats norvégiens en Ukraine. Ce n’est pas encore le moment de tirer des conclusions sur la manière dont une garantie de sécurité devrait être formulée et sur le type de contribution à y apporter », a fait valoir Jonas Gahr Støre, son Premier ministre, à l’antenne de la radio NRK.

Laurent LAGNEAU

Source : Opex360
17/02/2025