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Le Sommet d’action de l’IA à Paris s’est tenu les 10 et 11 février dernier. Il suit le Sommet sur la sécurité de l’IA au Royaume-Uni (du 1er au 2 novembre 2023) et le Sommet d’AI à Séoul (du 21 au 22 mai 2024). C’est l’événement international le plus attendu de l’année sur l’intelligence artificielle.
Un Sommet d’action sur l’intelligence artificielle différent
Le Sommet d’action sur l’IA marque un important changement de nom et de discours par rapport aux deux précédents. L’accent mis sur la sécurité au Royaume-Uni et à Séoul est oublié au profit d’un accent placé sur l’emploi et l’« action », c’est-à-dire sur l’adoption de l’IA. Il s’agissait de transmettre l’optimisme et les opportunités de l’IA plutôt que celui de la sécurité et de la gestion des risques. Le fil guide du sommet a été l’innovation, les investissements autour de l’IA, les impacts sur la culture et la créativité, la durabilité environnementale et l’impératif de rendre l’IA accessible à tous, y compris dans le Sud.
Le Sommet d’action de l’IA de Paris a changé d’échelle:100 personnes représentant 30 pays au Royaume-Uni mais plus de 1 000 participants de plus de 100 pays dont plusieurs dizaines de chefs d’État à Paris.
Cela a rendu le consensus beaucoup plus difficile, mais le sommet a attiré l’intérêt et les investissements. La France a finalement annoncé qu’elle s’était engagée à investir plus de 109 milliards d’euros au cours des prochaines années.
- Que dit la déclaration finale ?
La déclaration est une très courte déclaration sur la nécessité de promouvoir l’accessibilité de l’IA pour réduire le fossé numérique, assurer un impact positif sur les marchés du travail, rendre l’IA durable et renforcer la coopération internationale en matière de gouvernance de l’IA.
Les actions concrètes sont peu nombreuses: lancer une plateforme d’IA d’intérêt public et un incubateur numérique, diminuer l’impact environnemental de l’IA, créer un réseau d’observatoires pour étudier l’impact de l’IA sur les marchés du travail.
61 pays et blocs régionaux dont la Chine ont signé la déclaration finale « sur l’intelligence artificielle inclusive et durable pour les gens et la planète ». Les États-Unis et le Royaume-Uni. ont décidé de ne pas signer. Le refus du Royaume-Uni est dû au fait que la déclaration « ne fournit pas suffisamment de clarté pratique sur la gouvernance mondiale, ni ne traite suffisamment les questions plus difficiles liées à la sécurité nationale ».
Les États-Unis se sont irrités du maintien des notions de multilatéralisme et d’inclusivité,et sur les références à la diversité et aux défis environnementaux dans la déclaration.
Le prochain sommet de l’IA devrait être organisé par l’Inde.
- Les réactions des intervenants ?
Elles ont été mitigées.
Les universités, l’industrie, les organismes de normalisation, les instituts de sécurité de l’IA et des organisations internationales ont été très actifs pour nouer des liens, lancer des initiatives, et discuter des défis et des opportunités de l’IA .
L’industrie et les investisseurs ont présenté leurs innovations et chercher des occasions d’affaires.
Le reste des parties prenantes a tenu un sommet séparé et très animé pour parler des nouveaux risques posés par l’IA de pointe, avec un accent particulier sur la perte de contrôle humain.
Au total, une centaine de manifestations parallèles ont été organisée pendant environ 10 jours,
De nombreux participants de la société civile ont exprimé leur déception face à la volonté d’action et d’accélération et à la vision optimiste de l’innovation portées par les politiques au lieu d’insister sur les risques et le besoin de garde-corps.
- Et le bilan pour la France ?
Le président E Macron a utilisé le sommet pour placer la France en leader de l’IA en Europe. L’IA est devenue un enjeu de pouvoir et une source de concurrence géopolitique.
Dans son discours du 10 février, Macron a décrit sa vision du modèle européen d’IA fondée sur la protection de la propriété intellectuelle, l’amélioration de la créativité et la protection des enfants et adolescents.
Ce sont les trois concepts clés qui sous-tendent l’approche de l’Union européenne avec le livre blanc 2020 de la Commission européenne sur l’IA en 2020, et l’Acte européen sur l’IA. Pour les besoins en électricité, il a souligné que la France est bien placée pour relever ce défi, grâce à ses centrales nucléaires.
- Qu’a dit le vice-président JD Vance?
L’administration Trump a été représentée par le vice-président JD Vance. Dans son discours – son premier à l’étranger – il a montré que les États-Unis sont résolus à préserver leur position de leader en matière d’IA mais prêts à travailler avec des partenaires démocratiques selon leurs propres conditions. Il a souligné qu’une législation hâtive pourrait tuer ou bloquer l’IA.Il a rejeté la loi européenne sur les services numériques qui forcerait les entreprises américaines à pratiquer la censure en matière de « désinformation ». Il a également critiqué le règlement général sur le RGDP (loi de protection des données dans l’UE) qui serait préjudiciable aux petites entreprises américaines parce qu’il les décourage de mettre leurs produits sur le marché de l’UE.
- Et qu’a dit Ursula von der Leyen, au nom de l’UE?
Elle a affirmé la volonté de l’Union européenne d’avoir une place dans la course mondiale à l’IA.
Elle a souligné les atouts de l’Union européenne: maîtrise des sciences et des technologies, réservoir de spécialistes en science, talents collaboratifs, capacité à exploiter l’open source et éclosion de startups.
Elle a énuméré les initiatives de l’Union européenne pour encourager l’adoption de l’IA, avec les gigafactories de l’IA et les superordinateurs, etc
La déclaration a clairement montré l’ampleur du désaccord entre l’Union européenne et les États-Unis sur l’IA
- Le concept de sécurité de l’IA a-t-il vraiment disparu du sommet?
Le concept de sécurité de l’IA a disparu des documents officiels du sommet et a été considérablement minimisé dans les discours des dirigeants. Il semble toutefois que les conversations sur la sécurité de l’IA continue d’avoir lieu parmi les différents acteurs mais en arrière-plan, loin de la scène.
GCA (2S) Robert Meille
Vice-Président de l’ASAF