La rentrée de septembre risque de ne pas être un long fleuve tranquille en France.
Les incertitudes comme les menaces sont multiples.
La future gouvernance de la France représente déjà une incertitude majeure avec une nouvelle Assemblée Nationale et un Gouvernement en suspens.
Il ne s’agit pas ici de politique politicienne.
Il s’agit de l’avenir de la Loi de Programmation Militaire (LPM 2024-2030) qui a été votée mais dont la mise en œuvre reste aléatoire, non seulement parce que l’exécutif en charge de l’appliquer ne sera plus le même mais aussi parce que la dette de la France (110,6% du PIB fin 2023) devient tel, que de très sérieuses économies seront à faire. Or depuis des décennies, le budget des Armées a toujours été une variable d’ajustement idéale et rarement publiquement contestée, sauf lorsqu’elle a provoqué la démission du Général Pierre de Villiers le 14 juillet 2017.
Cependant les objectifs de cette LPM ne cessent de s’accroitre, d’une part à cause de la multiplication des menaces, d’autre part avec l’arrivée de trois nouveaux champs de bataille (l’espace, le cyberespace et les fonds marins). Sans compter la rapidité des évolutions technologiques qui accentuent l’obligation de recherche et développement nécessitant la modernisation (retrofit) à mi-vie des matériels majeurs.
Plus que jamais, la course à l’armement s’accélère et devient incontournable pour que nos armées restent crédibles en disposant d’un matériel moderne et performant.
Faut-il compter sur des alliances industrielles avec nos voisins européens pour en diminuer les coûts ? On aborde alors un domaine politico-économique hors du champ de l’ASAF.
Mais si la technologie, toujours plus sophistiquée donc toujours plus onéreuse, des matériels militaires demeure indispensable à nos armées, le facteur humain reste indubitablement primordial.
Car au-delà de matériels récents et adaptés à tous ces champs de bataille, la motivation et la compétence de nos personnels militaires restent un facteur essentiel d’efficacité et de supériorité. Or il faudrait que l’institution militaire, qui a pourtant une bonne image actuellement, attire notre jeunesse ; les armées doivent recruter quelque 26.000 jeunes chaque année. En effet, il faut savoir que 67% des militaires sont sous contrat ou en CDD de 5 ans contre 33% de carrière.
Or le compte n’y est pas.
À l’instar d’autres armées occidentales, l’armée française a également du mal à honorer tous les postes ouverts.
En partant du principe que nos Armées sont le reflet de la Nation, on constate que les freins sont nombreux dans une société hédoniste où les contraintes de la condition militaire se révèlent souvent frustrantes et parfois difficilement supportables : une disponibilité permanente, l’illusion des 35 heures hebdomadaires, les mutations périodiques qui déstabilisent la vie familiale, un absentéisme professionnel fréquent (ex. stages, OPEX, manœuvres, campagnes outre-mer, etc…).
Pour quelle compensation ?
L’État-Major, qui a bien compris qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, a donc prévu dans la LPM 2024-2030 une nouvelle amélioration de la condition militaire.
Un effort significatif a été consenti avec le Plan Famille II puisqu’une somme de 750 millions d’euros (soit + 148% par rapport au plan Famille I de 2017) a été prévu pour améliorer la qualité de vie familiale des militaires. D’autre part au plan professionnel, une autre amélioration- d’ailleurs non chiffrée- est également prévue dans le domaine du soutien direct aux combattants avec une réorganisation des filières du commissariat et du service de santé.
Restent deux questions :
- Ces efforts seront-ils suffisants pour attirer des candidats ?
- Le Plan Famille II sera t’il appliqué intégralement ?
Mr Maurice Plantier, Secrétaire d’État aux Anciens Combattants (1978-1981), avait coutume de dire « qu’un bon ministre est celui qui ramène d’abord de l’argent à son département ministériel ».
Or l’avenir de nos Armées comme les réponses à ces questions dépendront déjà de la stricte et complète application de la LPM 2024-2030.
La question est posée.
Le doute est permis.
Ce sera le thème que devra défendre l’ASAF lors de son audition devant la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées le 2 octobre prochain.
Colonel (h) Christian Châtillon
Délégué National de l’ASAF