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Général Christophe Abad : « Préparer les Jeux est une mission à la fois exigeante et exaltante. C’est l’investissement d’un collectif »

JOGénéral Christophe Abad : « Préparer les Jeux est une mission à la fois exigeante et exaltante. C’est l’investissement d’un collectif »

Le général de corps d’armée Abad avec une patrouille de l’opération Sentinelle (2023) – © – GMP/COM/Défense

Douze jours après l’édition 2024 du défilé du 14 juillet, Paris va devenir le centre du monde en accueillant les Jeux olympiques et paralympiques. Comment les armées vont contribuer à la sécurisation de cet évènement planétaire ? Quels sont les effectifs mobilisés ? Quels risques ont été préalablement identifiés ? Entretien avec le général Christophe Abad, gouverneur militaire de Paris.

 

 

 

Le grand défi de l’été 2024 : les Jeux olympiques et paralympiques. Comment êtes-vous associé à cet évènement ?

Douze jours après le défilé de la fête nationale, nous enchaînerons avec la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques sur la Seine. Nous sommes plus dans la peau d’un marathonien, cet été, que dans celle d’un coureur de 100 mètres… Dès le 27 juillet, la quinzaine olympique démarre, et elle se poursuit jusqu’au dimanche 11 août.

S’ensuivra une période « inter-Jeux », qui constitue une phase opérationnelle à part entière durant laquelle nous opérerons des relèves afin de régénérer la force, de la réarticuler, puis de la remonter en puissance. Le 28 août, se tiendra la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques place de la Concorde.

Mais avant cela, il faudra aussi gérer la cérémonie à l’occasion du 80e anniversaire de la Libération de Paris, prévue place Denfert-Rochereau. Difficulté supplémentaire, la quinzaine paralympique va se superposer avec la reprise du travail et de l’école jusqu’à la cérémonie de clôture, le dimanche 8 septembre. À partir de cette date, débutera une phase de désengagement des unités.

Nous sommes portés par cette mission, qui est à la fois exigeante et exaltante. C’est l’investissement d’un collectif. J’ai autour de moi une équipe qui travaille dur depuis quatre ans et qui a réalisé un remarquable travail d’anticipation et de planification, notamment dans le champ logistique. Nous allons nous déployer massivement dans toute l’Île-de-France et la mobilité revêt un enjeu stratégique. Il faudra être réactifs, agiles, nous adapter en permanence pour déployer une force capable de manœuvrer au cœur de la cité. C’est un défi colossal. Retrouvez la première partie de cet entretien

 

Vous serez donc en première ligne pour sécuriser les Jeux ?

Je tiens à préciser que ma mission ne consiste pas à les sécuriser, mais à contribuer à leur sécurisation.

Nous sommes en effet en appui des forces de sécurité intérieure aux ordres du préfet de police de Paris dont je suis le conseiller militaire. Le socle de nos engagements demeurera l’opération Sentinelle déclenchée en janvier 2015 à la suite des attentats terroristes. Comme nous le faisons depuis près de dix ans, notre mission majeure consistera à conduire des patrouilles dynamiques dans les rues de Paris, à proximité des lieux touristiques sensibles, comme le parc Disneyland ou Montmartre, et des principaux hubs de transport que sont les gares et aéroports. Nous serons également présents cet été aux abords des sites olympiques. En complément, nous allons effectuer des missions spécialisées dans le domaine de la lutte contre les agents nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques (NRBC) par exemple, ou encore dans la lutte contre les explosifs avec les visites d’inspection de sites.

Nous assumerons aussi des missions plus spécifiques. La première consiste à armer les bataillons de cérémonie. À chaque remise de médailles, ce sont des militaires qui monteront les couleurs. C’est un beau symbole. La seconde est profondément différente : à partir du 18 juillet, nous allons sécuriser la zone en amont de la parade nautique en accueillant les bateaux qui constitueront la flotte. En pratique, il s’agira d’une zone protégée de trois kilomètres de long de part et d’autre de la Seine, sécurisée sous l’eau, en surface et dans les airs, grâce, notamment, à l’emploi de drones.

L’objectif est de permettre le 26 juillet en fin d’après-midi l’embarquement en toute sécurité de 10 000 athlètes en provenance du village olympique.

Tous les gens autour de moi ont conscience qu’il s’agit d’un événement planétaire, tant sportif que diplomatique et politique, qui marquera durablement nos concitoyens. Dans quelques années, ils pourront dire à leurs enfants : « J’ai contribué au succès des Jeux de Paris 2024. »

Le général de corps d’armée Abad, GMP, à la rencontre des télépilotes de drones en exercice, en mai
Le général de corps d’armée Abad, GMP, à la rencontre des télépilotes de drones en exercice, en mai – © GMP/COM/Défense

 

 

 

 

Avez-vous identifié des menaces et des risques particuliers liés aux JOP ?

La situation internationale n’a jamais été aussi troublée. En outre, notre pays est confronté à des crises de tout ordre, en métropole comme outre-mer. Qui aurait pu imaginer, lors de l’attribution des Jeux à la France en 2017, que ces derniers allaient se tenir dans un contexte aussi sensible ? Cette situation impose à l’État d’anticiper les menaces et, si nécessaire, de les traiter avec la plus grande efficacité. À cet effet, le Centre de renseignement olympique (CRO) centralise déjà les travaux des différents services de renseignement et il produit des synthèses qu’il partage avec tous les acteurs sécuritaires des Jeux. Dans l’inventaire des menaces, la plus dangereuse reste la menace terroriste d’inspiration djihadiste. Elle a évolué dans ses modalités ou dans son intensité, mais elle n’a jamais disparu. Elle peut être structurée et militarisée comme au Bataclan en 2015 ou plus récemment à Moscou, ou endogène, avec un individu isolé décidant de passer à l’acte. Elle peut aussi s’exprimer par le biais d’attaques de drones, comme l’illustre chaque jour la guerre en Ukraine. Les événements contestataires violents constituent une autre menace, les motivations pouvant être écologiques, politiques, économiques ou encore sociales. Enfin, nous serons aussi confrontés à des menaces dans les champs immatériels, je pense aux cyberattaques et à la désinformation.

Ces menaces peuvent se combiner à des risques. J’en identifie trois types : les risques sanitaires, même si la crise de la covid-19 est derrière nous ; les risques climatiques, par exemple des pluies torrentielles ou des épisodes caniculaires extrêmement forts ; enfin, les risques technologiques, car la région parisienne est riche en industries de tout type.

Pour mener à bien ces missions, il va falloir engager beaucoup d’effectifs. Comment allez-vous organiser leur stationnement à Paris ?

Compte tenu de la grande diversité de missions à réaliser en Île-de-France, de l’ordre de 10 000 militaires hommes et femmes seront déployés à partir de la seconde quinzaine de juin. C’est inédit dans l’histoire des engagements opérationnels sur le territoire national depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela induit des enjeux logistiques particulièrement élevés. Nous allons bien sûr nous appuyer sur les emprises militaires qu’utilisent aujourd’hui les soldats de l’opération Sentinelle, mais celles-ci ne sont pas suffisantes. Nous avons donc décidé la création d’un camp militaire en plein cœur de Paris, sur la pelouse de Reuilly (Paris XIIe) qui offre des capacités adaptées à proximité des zones de déploiement de nos unités.

Le montage de ce camp est à la charge de l’Économat des armées, rompu à ce type de mission, même s’il change d’échelle cet été dans la mesure où sa référence est la création de la base opérationnelle de Gao au Mali, d’une capacité de 2 000 personnes. Notre camp accueillera 4 500 soldats, ce qui est d’autant plus inédit qu’il sera réalisé en seulement 65 jours. Il sera baptisé Camp caporal Alain Mimoun pour donner du sens à notre engagement. Il s’agit en effet d’un des sportifs français les plus connus et les plus performants du XXe siècle, plusieurs fois médaillé olympique, dont l’or au marathon de Melbourne en 1956.

Mais ce que le public ne sait probablement pas, c’est qu’Alain Mimoun s’est engagé à 18 ans, au cœur de la Seconde Guerre mondiale. Il participe successivement aux campagnes de Tunisie et d’Italie.

Il est blessé au Monte Cassino, où il passe à deux doigts d’une amputation du pied. Il a par ailleurs débarqué en Provence en août 1944, rappelant que nous célébrons cette année les 80 ans de la Libération de la France. J’estime qu’il est l’incarnation de la reconstruction par le sport des militaires blessés.

 

Recueilli par Marc Fernandez
Source : ministère des armées
22/07/2024