Même si l’une d’elles a été fatale au pétrolier grec M/V Sounion, les attaques lancées depuis le Yémen par les rebelles houthis [liés à l’Iran] contre le trafic maritime commercial en mer Rouge se font plus rares depuis quelques semaines. Mais cela pourrait sans doute changer prochainement.
En effet, confirmant des informations publiées par le Wall Street Journal en juillet, l’agence Reuters a récemment affirmé que l’Iran servait d’intermédiaire dans des négociations ouvertes en vue de livrer des missiles antinavires supersoniques russes P-800 Oniks [ou Yakhont] aux rebelles houthis. Ce qui ne serait pas surprenant étant donné que le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, avait menacé de fournir des armes à des entités susceptibles de menacer les intérêts des pays occidentaux pour leur aide militaire à l’Ukraine.
Mais il ne serait pas seulement question de missiles antinavires. Début octobre, le Wall Street Journal a rapporté que le trafiquant d’armes Viktor Bout, libéré en décembre 2022 dans le cadre d’un échange de prisonniers entre la Russie et les États-Unis, venait de reprendre du service. Désormais député à la Douma sous l’étiquette du Parti libéral-démocrate de Russie [pro-Kremlin], il aurait négocié l’achat par les rebelles houthis de fusils d’assaut Kalachnikov AK-74 ainsi que celui de missiles antichars Kornet. « Les livraisons pourraient commencer dès octobre, au port de Hodeidah, sous couvert d’approvisionnement » en céréales, a avancé le quotidien.
Cela étant, les rebelles houthis ne s’en prennent pas seulement au trafic maritime en mer Rouge puisqu’ils ont également tiré des missiles balistiques sol-sol ainsi que des munitions téléopérées en direction d’Israël. Le 19 août, en réponse à l’une d’entre elles, qui avait atteint le centre de Tel Aviv un mois plus tôt, la force aérienne israélienne a frappé les installations pétrolières du port de Hodeidah, au cours d’une opération de grande envergure qui avait tout l’air d’une démonstration de force à l’égard de l’Iran. Puis elle a mené un autre raid de même nature, le 29 septembre, après qu’au moins deux missiles balistiques ont été tirés depuis le Yémen vers l’aéroport Ben Gourion, les 15 et 28 septembre.
Mais le raid lancé par l’US Air Force contre des dépôts d’armes tenus par les Houthis, le 16 octobre, aura été particulier puisque, pour la première fois, des bombardiers stratégiques B-2 « Spirit » ont été sollicités.
« Les forces américaines, dont des bombardiers B-2 de l’US Air Force, ont mené des frappes de précision contre cinq sites de stockage souterrains renforcés dans les zones contrôlées par les Houthis au Yémen. Ces installations abritaient plusieurs types d’armes que les Houthis ont utilisées pour cibler des navires civils et militaires dans toute la région », a expliqué Lloyd Austin, le chef du Pentagone, via un communiqué.
Et d’ajouter : Il s’agit d’une démonstration unique de la capacité des États-Unis à viser des installations que nos adversaires cherchent à garder hors de portée, quelle que soit leur profondeur d’enfouissement, leur renforcement ou leur solidité. L’utilisation de bombardiers furtifs à longue portée B-2 Spirit de l’US Air Force démontre les capacités de frappe globale des États-Unis pour agir contre ces cibles lorsque cela est nécessaire, à tout moment et en tout lieu ».
L’US Air Force avait-elle besoin de recourir à ses B-2 « Spirit » pour ce raid, sachant qu’elle a récemment renforcé sa posture au Moyen-Orient, avec le déploiement d’avions supplémentaires [F-15E Strike Eagle, A-10 Warthog et F-16] et que l’US Navy a positionné le porte-avions USS Abraham Lincoln, avec ses F-35C et ses F/A-18E/F, dans le golfe d’Oman ?
Après tout, des F-15E dotés de bombes BLU-109, de type « Bunker Buster », c’est-à-dire conçues pour détruire des cibles enterrées en profondeur, auraient pu faire l’affaire, d’autant plus que la défense aérienne des rebelles houthis est relativement faible, même si elle leur a permis d’abattre plusieurs drones MQ-9 Reaper. Mais il s’agissait visiblement pour Washington d’envoyer un message à Téhéran, dont les installations de son programme nucléaire sont en grande partie souterraines.
Rien n’a été dit à ce sujet mais il est possible que les B-2 Spirit engagés dans cette opération ait utilisé des bombes GBU-57 Massive Ordnance Penetrator [MOP] d’environ 13 tonnes. Bombes qu’ils sont les seuls à emporter.
Le recours aux B-2 « Spirit » pour des frappes « conventionnelles » est très rare. Le précédent raid auquel ces appareils ont participé remonte à 2017. À l’époque, deux bombardiers de ce type avaient visé un camp d’entraînement de l’État islamique [EI ou Daesh] en Libye, alors que l’organisation était « en train de planifier activement des opérations en Europe ». Ils avaient été sollicités en raison de « leur capacité à transporter [en quantité] une grande variété de munitions », avait alors expliqué le Pentagone.
Source : Opex360
17/10/2024