Le feu couve à la porte, la maison chancèle quand l’agora se déchire et censure……. La farce est médiocre. Pour qui tente de suivre, il se perd en un labyrinthe de promesses électoralistes et d’intérêts catégoriels sur fond de bysantines querelles d’egos et d’ambitions personnelles. Sous les nobles discours, la volonté de conserver les attributs du pouvoir ou de s’en emparer. Ainsi vont souvent les démocraties. Périclès devait s’entourer de gardes du corps pour ne pas être tabassé dans la rue jusque devant sa porte; au sortir d’une guerre perdue, Socrate, grand pédagogue et général qui n’avait pas démérité, était contraint au suicide pour avoir tenté d’alerter ses concitoyens sur l’urgence d’un réveil politique et social. Rien ne dit que le Béarnais aujourd’hui, s’il veut réellement agir comme il l’affirme avec force, ne subisse pas les mêmes tortures et la même fin qu’hier le Savoyard. Sauf à pratiquer encore l’immobilisme et aggraver en quelques mois la descente aux enfers. Car dans le même temps, tout un pays est à l’arrêt. L’affaiblissement est cruellement visible sur les marchés financiers et à Bruxelles. Il est économique, financier, politique et stratégique. J’ai honte aujourd’hui d’expliquer l’état de la France à mes amis étrangers. Ceux-là ne comprennent pas. Parce que ce n’est simplement pas ce qu’ils attendent de la France. Comment ce pays qui sait enchanter le monde par d’extraordinaires jeux olympiques et paralympiques puis attirer 50 chefs d’Etat pour la réouverture de Notre Dame peut-il ainsi s’abandonner? J’ai honte doublement car cet affaiblissement n’est somme toute que la somme des lâchetés et des corporatismes sur lesquels la génération des boomers, à laquelle j’appartiens, a fermé les yeux depuis 50 ans. Bien sûr dans l’immédiat, les services publics, les entreprises pourront continuer à travailler, au moins pour le 1er semestre 2025. Grâce à la loi dite « spéciale ». Mais en mode très dégradé ! Oubliées par exemple les mesures de soutien à notre agriculture, pourtant durement frappée dans l’été par les intempéries et les pandémies animales. Gelées aussi, ou fortement ralenties, les aides à la reconstruction en Nouvelle-Calédonie et, après les actions d’urgence, celles qui seront considérables pour la remise en état du département de Mayotte. Ces deux actions, parmi beaucoup d’autres, sont pourtant essentielles à la cohésion nationale voire même dans nos DROM-COM à la préservation de nos intérêts de souveraineté. La situation des comptes publics de notre pays est dramatique. La crise politique et la crise sociale sont graves. Sans l’argent, pas d’action publique efficace, pas de forces armées solides et pas de diplomatie en pointe. Ni dans le monde ni en Europe. On touche là aux enjeux de sécurité et de défense globale de la France. Pour nous n’est-il pas temps d’alerter? Et de protester qu’il n’est pas possible de jouer maintenant avec la cohésion sociale de la France et sa sécurité? Quoi faire? Rappeler aux représentants du peuple, qu’au lieu de marchander leurs voix en boutiquiers, il y a urgence – avec la société civile, les économistes, les diplomates et les experts de la défense- à tirer les conséquences de la mondialisation des échanges sur notre commerce et sur l’autonomie du pays, partant sur nos emplois et nos salaires, in fine sur nos capacités de manoeuvre et d’influence en Europe et dans le monde. Alerter ensuite sur les effets sociaux et sécuritaires du quasi abandon de certaines zones rurales et de quartiers urbains entiers. Une situation pouvant donner vie à l’hypothèse de sécession voire d’explosion insurrectionnelle, vite orchestrées et attisées de l’extérieur par des geeks hostiles, artistes de la guerre sans limite. Une dérive de ce type aurait des effets autrement plus graves que ceux des grandes grêves insurrectionnelles de 1947 et 1948. Quoi dire enfin de notre défense proprement militaire? Soulignons d’abord que, sauf amendement spécial à la loi spéciale ou vote très rapide d’une nouvelle loi de finances 2025, il manquera mécaniquement 3,3 milliards d’euros au ministère des armées, à nos forces et à notre base industrielle de défense pour seulement rester sur la trajectoire de la LPM 2024 2030. Sans même compter les « trous cachés » de cette loi pluri-annuelle, comme le Sénat vient de le souligner pour le lancement de la construction de notre futur porte-avions auquel il manque 1 milliard… Même à contre-temps, insistons aussi sur la lourde responsabilité qui revient à la France: à quelques semaines de l’entrée en fonction de la nouvelle administration US, susciter une coalition de pays européens volontaires décidés à s’engager pour appuyer une Ukraine épuisée, ou alors ne pas s’engager. Et sur l’urgence de préparer l’opinion publique à cette éventualité. Débat et choix évidemment très politiques! Mais débat auquel l’ASAF pourrait peut-être contribuer ou au moins sensibiliser les jeunes, les réserves et les citoyens. Gagner la paix en Europe demain ou avoir la paix aujourd’hui: quels sont les termes de l’alternative? Premièrement, pour soutenir une Ukraine qui choisirait de continuer le combat, doubler en quantité et surtout en qualité l’aide matérielle et de formation apportée au pays, y compris sur le sol de l’Ukraine (rappeler que la formation d’une brigade ukrainienne dans les camps de Champagne a mobilisé 1500 soldats sans déploiement logistique spécial ni protection terrestre et sol-air); et mettre en place une « no fly zone » sur le tiers Ouest du pays assurée depuis le territoire polonais. Deuxièmement, élaborer des garanties européennes de sécurité très robustes (non pas les comiques mesurettes des accords de Minsk) pour le cas d’un possible armistice voulu par M Trump s’il était accepté par M. Poutine. Elles signifieraient le déploiement de brigades françaises et britanniques, peut-être polonaises, avec un appoint balte, sous l’ombrelle des dissuasions nucléaires britanniques et françaises. Troisièmement construire un front diplomatique européen uni pour convaincre l’administration améri–caine de la solidité de cette stratégie et de la résolution européenne. En s’appuyant sur l’engagement fort des commissaires nordiques de la nouvelle commission ! C’est retrouver de nouveau les enjeux de sécurité et de défense de la France. A l’ère du « troisième âge nucléaire » décrit par l’Amiral Vandier, le choix sera d’assumer ou non la complexité et les risques d’une situation de conflit régional couplé au jeu nucléaire de puissances « dotées » d’armenent nucléaire, dont on sait que l’une conduit ouvertement une politique dite de « sanctuarisation aggressive ». Cette situation inédite nécessiterait sans doute un commentaire trop long à développer ici. Il conviendra peut-être d’en reparler plus tard. Du moins nous revient-il de réaffirmer la nécessité de ne surtout pas baisser la garde dans le contexte européen dangereux, d’appeler clairement à la préparation des esprits et des coeurs et de demander que cessent les jeux politiciens stériles du moment. Avertissons aussi: déjà à l’est de l’Europe, des pays augmentent leurs dépenses militaires et civiles. Des voix demandent même de doubler les dépenses de défense. Ce serait par exemple 100 milliards par an pour la France…! Et la France resterait à l’écart du réarmement? Il faudra que les responsables soient honnêtes sur le choix: accroître les dépenses de guerre ou maintenir des avantages et un niveau de vie inchangés?. Choix douloureux en un temps de difficultés budgétaires. Seul un vaste débat pourra déterminer ce qu’il est indispensable de conserver et ce qui pourra être temporairement sacrifié.
GCA(2s) Robert MEILLE 2ème Vice-président et secrétaire général de l’ASAF. |