Allocution du Général thierry Burkahrd, CEMA.

Chaque prise d’armes est un concentré de traditions militaires. Bien sûr le lieu importe. Être entouré par les murs séculaires de la cour d’honneur des Invalides offre un supplément de solennité. Mais, la simplicité de  la place d’armes d’un régiment, du pont d’envol d’un navire de guerre ou du tarmac d’une base aérienne offrent une unicité de lieu propice à faire le lien entre ce que nous faisons et ce que nous sommes.
À chaque cérémonie, la variété des insignes et des coiffures valorise l’identité des différents corps, sans jamais supplanter l’alignement uniforme des troupes en armes qui révèle notre appartenance commune à  l’armée française. Surtout, marquée du sceau de la discipline formelle, qui demeure comme pour nos anciens le ferment de la puissance militaire, chaque prise d’armes est une manifestation de la maîtrise de notre  force.
Enfin, toujours, le drapeau aux trois couleurs de France figure notre nation et nous rappelle notre raison d’être au service de notre pays. C’est pour témoigner notre respect à ce qu’il représente et pour que tous le  voient bien, qu’il arrive le dernier, entouré de sa garde. Et parfois, comme aujourd’hui, il vient se placer derrière ceux qui sont décorés pour attester leurs mérites et leur loyauté.
L’histoire de notre pays confère à ces vérités sobres une valeur qu’il est important de rappeler. Cela l’est d’autant plus dans une période marquée par les dérèglements profonds du monde. Ils ébranlent nos certitudes  et en ce sens nous vivons un moment singulier. Pour autant, pour nous soldats, marins et aviateurs des armées françaises, la mission est inchangée, de même que les exigences liées à notre statut. Ces  permanences sont le fondement de notre existence et la source de notre efficacité. Notre honneur est de les garder en référentiel, indépendamment des circonstances. Aussi, s’approprier et faire vivre les traditions  militaires sont une manière de rappeler pourquoi nous nous battons.
Ce qui relève de ces finalités inaltérables doit être bien distingué des modalités d’exécution. Dans ce domaine, la plus grande imagination est requise pour s’adapter aux contraintes perpétuellement évolutives de la  guerre. Parce qu’il s’agit de contrer une volonté adverse, il existe rarement de solutions parfaites. Dès lors, la responsabilité incombe à la chaîne de commandement, non pas de prescrire strictement, mais de rallier
à une intention en coordonnant l’enchaînement des initiatives et des réactions de chaque échelon. En conséquence, la confiance qui irrigue le lien hiérarchique apparaît comme un élément indispensable. Confiance  du chef envers ses subordonnés qui savent trouver la manière la plus pertinente d’atteindre l’objectif. Confiance du subordonné envers ses chefs qui décident à partir d’un champ plus vaste de contraintes et  d’impératifs.
Dans cet esprit, bâtir la confiance nécessite de faire des efforts pour agir en serviteur d’une cause qui nous dépasse tous. J’ai la conviction qu’il s’agit d’un état d’esprit déjà à l’œuvre chaque jour dans les armées  françaises et qu’il nous faut entretenir. De fait, quand nous sourions ensemble dans les difficultés, c’est l’expression du choix collectif que nous faisons de continuer d’avancer, sans nous résigner ou nous laisser  arrêter par de piètres contingences.
Hélie de Saint Marc nous dit : « La vie est un combat […]. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent ». Cela demande assurément du courage. Nous devons garder le courage guerrier de monter à l’assaut pour détruire  notre ennemi lorsque cela sera nécessaire.
Nous devons aussi avoir le courage discret du quotidien : courage intellectuel pour discerner la vérité, courage moral pour préserver la rigueur, courage physique pour dépasser ses limites. Nous devons le faire  maintenant alors que les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité sont ouvertement menacées voire visées. Nous devons le faire pour dissuader nos adversaires et pour montrer notre détermination.
Être l’ultima ratio n’implique pas d’attendre que les autres recours soient épuisés. Dans bien des cas, il sera d’ailleurs trop tard. Mettons dès à présent toute la force de notre imagination pour remplir notre mission et « gagner la guerre avant la guerre ».
En avant !