Dans le cadre du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle qui se tient en France les 10 et 11 février 2025, le ministre Sébastien Lecornu a prononcé un discours volontariste en ouverture d’un cycle de conférences dédiées à l’IA militaire, lundi 10 février, à l’École militaire.
L’intelligence artificielle. Encore lointaine aux yeux de beaucoup, déjà omniprésente dans les réflexions stratégiques et sur le terrain des opérations militaires. Dans un monde en plein bouleversement numérique et en proie à une résurgence des conflits, la France est pleinement investie dans cette course à l’IA, cette dernière étant devenue un enjeu majeur. Lors de son discours en ouverture de plusieurs conférences dédiées au sujet, lundi 10 février, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a décrit les grands axes de la stratégie française pour l’IA de défense, dans laquelle les forces armées sont partie prenante. En voici les principales idées à retenir.
La position centrale de la France
« La France prend les devants pour être l’un des leaders européens et mondiaux (NDLR. de l’IA de défense) », a déclaré Sébastien Lecornu à l’issue de son discours. Discours dans lequel il avait rappelé que « Nous le faisons parce que nous avons cette culture de l’arsenal, une bonne école de mathématiques et l’École polytechnique. Nous le faisons parce que nous sommes le premier pays d’Europe à nous doter de capacités de calcul de dernière génération dans des milieux classifiés ». Forte de ses nombreux atouts, notre pays tient une position forte dans cette entreprise de conquête des technologies de l’IA. « Si tout cela existe, c’est parce que la France croit au progrès et que le progrès peut permettre au monde d’aller mieux demain », ajoute le ministre.
Pour autant, l’IA n’est pas sans risques. Ce cycle de conférences, composées d’intervenants militaires et civils, doit permettre d’étudier « quels sont les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber », ce que « nous devons maitriser d’un point de vue étatique et quelle part de souveraineté assumer », selon Sébastien Lecornu.
Des usages divers de l’IA dans la défense
La problématique de l’IA militaire doit être appréhendée sous plusieurs de ses facettes. La question des usages est essentielle, en particulier celle de « l’analyse et du traitement des données en grande quantité et en rapidité ». « C’est vrai sur le champ de bataille, mais aussi en matière de renseignement », note le ministre.
En matière de défense, l’IA couvre ainsi un grand nombre de cas d’usages : assistance à la planification et à la prise de décision et au commandement en état-major, optimisation des flux logistiques et du maintien en condition des matériels, simulations pour l’entraînement des forces, cyberdéfense…
Mais aussi sur le terrain à travers des systèmes d’armes assistées par IA, voir autonomes. Tous ces usages amènent de nombreuses questions de souveraineté et d’éthique, sur lesquelles le ministre est revenu.
L’IA, les États et l’humain, rivalité ou complémentarité ?
Les sujets de la doctrine, de l’éthique et de la réglementation sont ainsi au cœur de son utilisation dans le domaine de la défense. À ce titre, la France a posé les jalons des « conditions incrémentales de ce que doit être une éthique en matière d’utilisation de l’IA sur les sujets de défense ».
De plus, le ministre rappelle que « nous avions pensé dans les années 60 (NDLR. Avec la thématique de l’atome) la question de la maîtrise souveraine de la technologie et de l’arsenalisation ». Il s’agit, pour les forces armées, d’être capables de « maîtriser de A à Z cette technologie. C’est l’une des meilleures garanties d’éthique que nous puissions avoir ».
Pourvues de ces technologies avancées qui offrent des avantages non-négligeables sur nos adversaires, les armées françaises ne doivent pas pour autant se constituer en ilots sur le paysage géopolitique mondial. C’est pourquoi une réflexion sur « la part de coopération internationale que l’on est prêts à consentir », doit être engagée, considère encore Sébastien Lecornu. Se pose ensuite l’épineuse interrogation, quasiment anthropologique, du lien entre l’Homme et l’IA. Celle-ci « se substitue-t-elle au combattant ou est-elle là pour assister le combattant ? ». Il est évident que la réponse à cette question primordiale divergera en fonction des pays et des différents systèmes politiques.
Garder de l’avance, sans fuite en avant
Enfin, un équilibre va devoir être trouvé sur l’accroissement de l’IA militaire. La France doit bien conserver son avance, s’investir entièrement, mais sans fermer les yeux sur les potentiels dangers. « Dans les années 60, 70 et 80, la question de l’avance sur le sujet spatial ou nucléaire s’est traduite par une forme de crainte de la prolifération », reconnaît le ministre. Et de conclure : « Il nous faut conquérir des capacités de maîtrise et en même temps se poser la question : à partir de quel moment, au nom de la supériorité sur le champ de bataille, avons-nous une fuite en avant complète et donc une non-maîtrise de l’intelligence artificielle ? ».
Source : Ministère des Armées
11/02/2025