Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Je suis le colonel (h) Christian Châtillon, délégué national de l’Association de Soutien aux Armées de la France (ASAF) et mandaté à ce titre pour vous faire part des préoccupations de notre association, créée il y a 40 ans et qui a pour objectif de diffuser dans la société civile les valeurs du patriotisme, du civisme et des forces morales, valeurs portées traditionnellement par nos Armées.

Autrement dit, sensibiliser nos concitoyens et plus particulièrement notre jeunesse à l’esprit de Défense de la France. 

En effet, après 80 ans de paix en Europe et depuis la suspension du service militaire il y a 27 ans, notre jeunesse semble éloignée des réalités de la défense du pays. Éloignée mais pas indifférente aux menaces de conflits qui se rapprochent de nos frontières. Dans un rapport publié le 11 mars 2024, Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS et directrice déléguée du CEVIPOF à Sciences Po, indique que 47% des jeunes pensent qu’une guerre mondiale est possible sur le territoire national dans les années qui viennent. Actuellement nos armées bénéficient d’une très bonne image pour leur compétence et leur humanité puisque et toujours selon ce rapport, 9 jeunes Français sur 10 lui font confiance quand bien même ces jeunes connaissent peu ou pas l’institution militaire.

Un sondage intitulé « Les jeunes et la guerre » mené par IPSOS en liaison avec le Ministère des Armées rapporte que 66% des jeunes hommes et 42% des jeunes femmes sont favorables à un retour du service militaire obligatoire.

Paradoxalement ces chiffres semblent contredits par la réalité puisque sur les 16.000 postes annuels ouverts dans nos Armées, 2.500 n’ont pas trouvé preneurs malgré une campagne publicitaire inédite à la télévision et alors que le taux de chômage des 18-24 ans au deuxième trimestre 2024, s’élevait à 17,7% selon l’INSEE, représentant ainsi quelque 1.428.000 jeunes sans emploi.

Maintenant quels moyens sont mis en œuvre pour sensibiliser cette jeunesse à la Défense et faire connaître nos Armées ?

Concernant nos élites, et suite à mon intervention du 18 octobre 2023 devant votre Commission, l’Institut National du Service Public (INSP, ex-ENA) a élaboré un programme entré en vigueur le 1er janvier 2024 pour que nos futurs dirigeants connaissent en profondeur l’organisation et le fonctionnement de nos armées. C’était indispensable. Dont acte.

Pour le reste de notre jeunesse, plusieurs organismes ont été mis en place :

Tout d’abord le Service National Universel (SNU).

Initié il y a 5 ans, le SNU n’a atteint ni qualitativement ni quantitativement son objectif qui devait répondre, je cite « à une notion de résilience de la Nation, de cohésion sociale, d’engagement, d’orientation et d’insertion des jeunes ». En effet qualitativement le SNU a suscité plus de critiques (essentiellement pour des problèmes d’encadrement et de gouvernance) que de louanges et quantitativement il n’a trouvé que 63% de volontaires, c’est à dire seulement 40.000 stagiaires pour la phase 1 « cohésion & mixité sociale ». À ce sujet, la Cour des Comptes a publié le 13 septembre dernier un rapport très sévère qui confirme l’avis négatif de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation du député Jean-Claude RAUX lors de la discussion du Projet de Loi de Finances (PLF) 2024.

En effet la Cour estime que si le SNU était généralisé tel quel sur tout le territoire et appliqué dans ses 3 phases, il coûterait annuellement au bas mot 5 Milliards €. Il convient donc de se poser la question de la pertinence du SNU sous son organisation actuelle à moins de revoir son programme à la baisse.

            Ensuite il y a la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) obligatoire pour les jeunes de 16 à 25 ans. Réduite progressivement à 2 heures, cette journée qui aura coûté 112,7 millions € en 2023 au budget des Armées a, au fil du temps, été dévoyée de son but initial pour aboutir uniquement à la détection de l’illettrisme et ce avec un outil dont la fiabilité a même été contestée par certains enseignants. L’ASAF soutient donc les propositions du général Pierre-Joseph GIVRE, le nouveau directeur du Service National et de la Jeunesse, qui veut la recentrer sur son objectif initial, à savoir une journée entière d’information et de sensibilisation des jeunes à la Défense, aux Armées, voire à la possibilité d’un conflit sur notre sol. Cela dit, l’ASAF estime que d’autres ministères pourraient reprendre à leur compte cette idée et développer leur propre politique d’information et de sensibilisation concernant différents aspects de la défense du pays, comme par exemple les organismes de sécurité, de protection civile ou d’intervention humanitaire.

            Pour mémoire on peut également citer le Service Militaire Adapté (SMA) et le Service Militaire Volontaire (SMV) lesquels concernent cependant peu d’individus au regard d’une classe d’âge.

Enfin l’ASAF reprend une proposition du général Daniel MÉNAOUINE, le prédécesseur du général GIVRE, exprimée dans son rapport du 26 avril 2018, à savoir « un enseignement de défense obligatoire au collège et au lycée ». Cette proposition formulée à nouveau le 25 mars 2021 dans le plan « ambition armée-jeunesse 2022 » n’a pas été retenue dans le cadre du SNU. Pourtant la JDC aurait été ainsi préparée par une matière obligatoire durant tout le cursus scolaire de la 4ème à la terminale, en reprenant et en développant le principe des Classes de Défense et Sécurité Globale (CDSG) et en l’étendant à tous les lycées, collèges, établissements et centres de formation.

En 2023 ces CDSG, basées uniquement sur le volontariat d’une équipe enseignante, ont concerné plus de 500 classes touchant ainsi quelque 12.500 élèves dont 20% en zone d’éducation prioritaire.

L’ASAF propose simplement de faire appliquer le protocole interministériel du 16 décembre 2021 (qui fait suite au protocole du 20 mai 2016), c’est à dire adapter les CDSG si possible dans le programme d’Éducation Morale et Civique (EMC) existant dans le dispositif EDUSCOL de l’Éducation Nationale ou a minima dans le cadre des activités périscolaires.

Les modalités d’exécution de ce programme seraient alors à la charge de l’Éducation Nationale tandis que les Armées fourniraient à la demande les instructeurs et les supports pédagogiques.

En conclusion et comme l’a dit récemment le Premier Ministre « chaque Français est important ». La défense de la France est l’affaire de tous et de chacun et non pas uniquement celle des militaires.

La jeunesse française, ainsi informée et éduquée, doit y prendre toute sa part.

Je vous remercie de votre attention.

Colonel (h) Christian Châtillon

Délégué National de l’ASAF