Branle-bas de combat dans les sphères politiques directement concernées par les questions de défense. Du ministre aux commissions parlementaires, nombreux sont ceux qui tirent la sonnette d’alarme sur les conséquences d’une chute du gouvernement pour la trajectoire financière des armées et pour l’effort de transformation qu’elle sous-tend.
Pour les militaires français, l’incertitude budgétaire se complète désormais d’un éventuel blocage politique. Brandi par l’opposition, du gouvernement reviendrait à menacer la bonne tenue d’une loi de programmation militaire tout juste engagée. Ce vote « viendrait briser cet élan essentiel pour la protection de nos concitoyens, en empêchant la hausse proposée de 3,3 milliards d’euros pour le budget de notre défense », a déclaré le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. « Ne pas l’adopter aurait des conséquences majeures et désastreuses », a pour sa part insisté le président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Cédric Perrin (LR).
C’est avant tout une marche financière – la seconde, seulement – manquée et un coup d’arrêt pour la dynamique de transformation engagée à la suite du conflit russo-ukrainien. Traduit en chiffres, ce sont plus de 31 Md€ de crédits consacrés aux équipements « perdus » pour les nécessaires travaux de réarmement et modernisation des forces. Ce sont des programmes majeurs dont le lancement attendra, des jalons de développement non franchis à temps, des commandes reportées sine die et des livraisons compromises. La dissuasion devrait à elle seule faire une croix sur 5,7 Md€ de crédit, un effort pourtant « fondamental pour garantir cette clé de voute stratégique de notre défense », relevait Cédric Perrin. Ce sont aussi 700 postes supplémentaires dont le recrutement devient incertain, ainsi qu’un gel de la revalorisation salariale des militaires.
« Alors que le monde se réarme et que les menaces s’accumulent, nos armées et nos industriels ont besoin de stabilité, de visibilité, et donc de confiance. C’est l’inverse qui se produirait en cas d’adoption d’une motion de censure contre le budget de la France », a estimé Sébastien Lecornu. Sans l’investissement étatique, ce sont 4000 entreprises et plus de 200 000 emplois dont l’avenir s’assombrit d’autant plus que la concurrence à l’export s’exacerbe. Et un petit séisme pour une filière à qui il est demandé depuis plus de deux ans d’investir sur fonds propres pour produire plus, plus vite et moins cher. Une filière qui doit également, censure ou non, compiler avec l’explosion du report de charges, ce mécanisme permettant de décaler le paiement de certaines factures pour rentrer dans les cordes budgétaires de 2024.
« Pour notre industrie de défense justement, et pour l’ensemble de ses sous-traitants, de la TPE familiale à nos grands champions, cela rendrait impossible de garantir fermement les très nombreuses commandes prévues. Cette censure c’est la mise en danger des emplois liés dans l’ensemble de nos territoires », constatait Sébastien Lecornu. Coïncidence ou non, le cabinet ministériel choisissait dans la foulée de détailler l’impact socio-économique du PLF 2025 pour les territoires. Un exercice inédit, et une éventuelle piqûre de rappel pour les parlementaires de l’opposition dont le département est directement concerné. Dans le Var, par exemple, ce sont 48 effectifs supplémentaires et plus de 273 M€ d’investissement dans les infrastructures qui sont menacés. Idem dans les Bouches-du-Rhône, où 11 emplois et 151 M€ sont prévus pour l’an prochain.
« Voter la censure aurait des répercussions concrètes et ne doit pas être pris à la légère. Nos soldats nous regardent, nos concitoyens nous regardent, agissons en responsabilité », insistait le député Jean-Michel Jacques (Ensemble), président de la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale. L’impression de continuité difficilement obtenue au sortir de l’été risque pourtant de s’effacer au nom de l’irresponsabilité d’une partie de la classe politique.
Nathan Gain
03/12/2024
Source : FOB