Outre le programme devant permettre de remplacer le Lance-roquettes unitaire [LRU] de l’armée de Terre, la France envisage également de développer une capacité de frappe dans la « grande profondeur », dans le cadre d’une coopération associant l’Italie, l’Allemagne et la Pologne. Une déclaration d’intention a ainsi été signée en juillet dernier, en marge du sommet de l’Otan, à Washington.
Appelée ELSA [pour European Long-range Strike Approach], et selon les explications données à l’époque par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, cette initiative a vocation à être « la plus inclusive possible » et doit « correspondre à des besoins opérationnels ». Et d’ajouter : « Cela a de la valeur, y compris sur le terrain budgétaire, parce que ça permet évidemment d’amortir aussi les différents coûts ».
Étant une puissance dotée de l’arme nucléaire, la France a-t-elle vraiment besoin d’une telle capacité, laquelle n’est pas inscrite dans la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 [seul le remplacement des LRU est cité, ndlr] ? Anticipant le débat à venir, M. Lecornu avait répondu à cette question.
Le sujet « des frappes à longue ou à très longue distance, pour les Français, c’est toujours quelque chose qui est un peu tabou parce que, en fait, on n’a pas le droit de parler de dissuasion conventionnelle quand on est une puissance dotée. Mais enfin, j’ai brisé ce tabou depuis déjà plusieurs mois en disant : ‘même une puissance dotée a besoin d’adosser sa dissuasion nucléaire sur un système de dissuasion conventionnelle, en tout cas, des forces conventionnelles importantes’ », avait-il en effet expliqué.
Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 15 octobre, le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA] est allé dans le même sens du ministre, en donnant une indication sur la portée que devra avoir ce futur missile sol-sol.
« ELSA est un dispositif de frappe dans la grande profondeur puisqu’on parle en milliers de kilomètres et non en centaines de kilomètres. C’est une initiative lancée au niveau européen prenant en compte l’évolution de l’environnement stratégique, en voyant les armes utilisées sur les théâtres d’opérations par le différents belligérants, que ce soit en Ukraine, au Proche et Moyen-Orient ou ailleurs », a dit le CEMA.
« Et donc, effectivement, la question de savoir si, nous aussi, nous devons posséder ce type d’arme, se pose. Et on voit bien que ce type d’arme prend tout son sens si c’est un pilier européen de la défense qui est capable de faire les recherches, de le développer et de le posséder », a continué le général Burkhard.
Cette question se pose au Royaume-Uni… Et, sans attendre les conclusions de la revue stratégique de défense et de sécurité lancée en juillet dernier, Londres a décidé de rejoindre l’intiative ELSA.
« Le Royaume-Uni va s’engager dans le programme de missiles à longue portée, aux côtés de l’Allemagne, de la France, de la Pologne et de quelques autres », a en effet annoncé John Healey, le ministre britannique de la Défense, en marge d’une réunion avec ses homologues de l’Otan, à Bruxelles, le 17 octobre.
« C’est une capacité de longue portée comparée aux capacités que beaucoup d’entre nous possèdent déjà et sont capables d’utiliser », a poursuivi M.Healey. Et de préciser que ce programme fait « partie d’un effort de l’Otan pour renforcer sa propre dissuasion et la protection de l’Europe ».
À noter que MBDA s’est déjà positionné pour prendre la tête de l’intiative ELSA, avec la présentation de son « missile de croisière terrestre » [LCM – Land Cruise Missile], à l’occasion de l’édition 2024 du salon de l’armement aéroterrestre EuroSatory.
Le LCM « offre les mêmes capacités exceptionnelles que le MdCN [missile de croisière naval], notamment sa précision métrique pour frapper l’ennemi dans la profondeur, à distance de sécurité, son haut niveau de survivabilité dans des environnements contestés grâce à sa surface équivalente radar réduite et sa capacité de suivi de terrain », avait alors souligné l’industriel.
Source : Opex360
18/10/2024