Selon le Sénat, la disponibilité des matériels militaires reste insuffisante

Selon le Sénat, la disponibilité des matériels militaires reste insuffisante

matériels militairesCes dernières années, la disponibilité technique des équipements utilisés par les forces françaises étant un point d’attention majeur, le Maintien en condition opérationnelle [MCO] a fait l’objet de plusieurs réformes afin d’améliorer son efficacité tout en tentant de maîtriser ses coûts.

Celles-ci ont notamment consisté à revoir l’organisation du MCO et à instaurer des pratiques nouvelles, comme celle consistant à attribuer des contrats dits « verticalisés » à des prestataires uniques, ceux-ci étant soumis à des objectifs de performances.

Dans le même temps, les crédits dédiés au MCO ont été régulièrement augmentés [parfois significativement]. Cette tendance a été confortée par la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 étant donné que celle-ci prévoit encore de les augmenter de 40 % par rapport à la LPM précédente [soit + 14 milliards d’euros].

Enfin, l’innovation en matière de MCO a été encouragée, avec notamment la généralisation de la maintenance prédictive [ou prévisionnelle] dès la conception de nouveaux équipements.

Ces mesures ont-elles porté leurs fruits ? Étant donné que les données sur la disponibilité des matériels sont désormais classées « diffusion restreinte » par le ministère des Armées [ce qui, en théorie, n’est pas de nature à empêcher un « compétiteur » d’y avoir accès puisque ce classement ne relève pas du secret de la défense nationale], il est difficile de le savoir. Au mieux doit-on s’en remettre aux rares déclarations faites à ce sujet par les chefs d’état-major ou les responsables des directions et services concernés. Voire aux rapports généraux de la Cour des comptes ou du Parlement.

Justement, cette semaine, chargé d’effectuer un contrôle budgétaire sur le MCO des équipements militaires au nom de la commission sénatoriale des Finances, le sénateur Dominique de Legge a livré quelques informations lors d’une communication sur un rapport qu’il doit bientôt remettre sur ce sujet.

Ainsi, ces réformes du MCO ont bien donné des résultats positifs… mais de façon inégale. Et ils demeurent insuffisants au regard des objectifs affichés.

« Pour certains types d’équipements, la disponibilité constatée a été rehaussée », a en effet déclaré M. de Legge. C’est par exemple le cas des hélicoptères Fennec, dont le coût à l’heure de vol aurait été divisé par deux tandis que leur taux de disponibilité aurait doublé entre 2018 et 2021.

Cependant, a poursuivi le sénateur, la « disponibilité globale des matériels militaires reste insuffisante. L’indicateur dit de ‘disponibilité technique opérationnelle’ [DTO] des équipements en atteste ». Or, a-t-il rappelé, ce dernier « mesure, pour les différents parcs d’équipements, le nombre de matériels effectivement disponibles par rapport au nombre nécessaire pour atteindre les différents objectifs fixés aux armées par les contrats opérationnels ».

Ainsi, sur les 21 équipements « structurants » répertoriés par cet indicateur, seulement 2 affichaient une DTO supérieure à 90 % à la fin de l’année 2022. « Soit un niveau proche des objectifs fixés », a commenté M. de Legge. « Pour 12 d’entre eux, elle était en revanche inférieure à 75 %, dont 2 en-dessous de 50 % », a-t-il relevé.

« Si des progrès peuvent être constatés pour certains équipements, sur la dernière décennie, il n’y a pas d’amélioration globale mesurable » alors qu’un « niveau de disponibilité insuffisant des matériels équivaut à des capacités d’engagement, d’entraînement et de formation en moins », a constaté le parlementaire.

Or, le sujet du MCO est tout aussi crucial que stratégique étant donné que les forces françaises ont « moins d’équipements que par le passé », ce qui fait que « le même taux de disponibilité n’a pas les mêmes conséquences quand on a six fois moins de chars qu’au début des années 1990 et trois fois moins d’avions de combat », a-t-il fait valoir. « Si nous voulons avoir des équipements plus performants et moins nombreux, il faut que le taux de disponibilité soit nettement plus élevé qu’il y a vingt ans », a-t-il insisté.

Selon M. de Legge, ces résultats insuffisants en matière de MCO ont plusieurs causes. La première est que la hausse des crédits qui lui sont dédiés est amoindrie par des coûts de maintenance ayant tendance à « augmenter plus vite que les crédits correspondants », notamment à cause de la sophistication sans cesse croissante des matériels militaires.

Ensuite, la cohabitation d’équipements récents et anciens en est une autre. « Cette situation est particulièrement difficile à gérer pour le système de MCO, qui est contraint de conserver des capacités et des compétences très différentes pour entretenir l’ensemble des matériels », a noté M. de Legge. En outre, le niveau d’engagement opérationnel élevé ne peut qu’engendrer de fortes contraintes sur la maintenance des matériels.

N’écartant pas l’idée que les réformes finissent par donner des résultats [il « faut donner du temps au temps »], le sénateur estime qu’il faut élaborer une « stratégie globale » afin de « rendre le MCO plus résilient et efficace ».

« Il est indispensable d’approfondir encore la prise en compte des enjeux de maintenance des matériels dans les stratégies d’acquisition. Elles doivent tenir compte des capacités forcément limitées du MCO et ne peuvent notamment privilégier trop systématiquement l’acquisition de matériels très sophistiqués », estime-t-il.

Ensuite, la logique de flux tendu en matière d’approvisionnement étant remise en cause par le « nouveau contexte stratégique », le sénateur plaide pour une « politique fine et ciblée de reconstitution des stocks, afin d’être en mesure de tenir dans la durée en cas d’engagement majeur ». En outre, une meilleure anticipation des cessions de matériels à des pays étrangers permettrait de ne « pas augmenter tensions en termes de MCO pour les matériels subsistants, davantage sollicités », a-t-il continué.

Enfin, pour M. de Legge, il faudrait définir une « doctrine générale prenant en compte le nouveau contexte géostratégique, applicable à la répartition des responsabilités de maintenance entre les différents acteurs étatiques et privés selon les milieux et les matériels ». Cela permettrait, pense-t-il, le « renforcement des capacités industrielles étatiques, en fidélisant ses effectifs et en réinternalisant une partie de la maintenance lourde ». L’idée est de pouvoir « disposer des compétences nécessaires en cas de conflit de haute intensité ».

Source :Opex360
05/10/2024