M. Macron annonce la cession de Mirage 2000-5 à l’Ukraine
Parce que la France est supposée être une démocratie, Zone Militaire part du principe qu’il faut faire confiance à la parole du gouvernement. Ainsi, en septembre 2023, lors d’une audition parlementaire, et alors qu’une rumeur sur une éventuelle cession de Mirage 2000D à l’Ukraine se faisait insistante, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, assura que la cession d’avions de combat n’était « pas la première demande des Ukrainiens vis-à-vis de la France ». Ce qu’il réaffirma encore en février dernier devant les députés de la commission de la Défense.
« Sur la question de l’aviation, de manière globale, on cherche là aussi à faire de l’utile. Pour être transparent, je ne l’ai jamais dit publiquement, à la livraison de Mirage 2000, dont on en a peu et dont le MCO [maintien en condition opérationnelle] présenterait des défis terriblement compliqués, on a préféré démarrer la formation généraliste de pilotes », avait expliqué le ministre. Et d’insister : « On a préféré mettre de l’argent et de l’ingénierie sur l’adaptation de bombes dites A2SM [Armement Air Sol Modulaire] sur des générations d’avions soviétiques Sukhoï [Su-24 « Fencer »] et MiG [MiG-29 « Fulcrum »] que les Ukrainiens ont déjà plutôt que de faire un coup uniquement autour des Mirage ».
Cette position était d’autant plus plausible que, justement, la Suède a récemment fait savoir qu’elle allait suspendre son projet de transférer des avions de combat JAS-39 Gripen vers l’Ukraine, la priorité devant aller à la mise en service des F-16 promis par les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège et la Belgique.
Et pour cause : livrer à l’Ukraine plusieurs types d’avions de combat supposait de mettre en place autant de chaînes logistiques et de former pilotes et techniciens. Ce qui prend du temps… Or, du temps, la force aérienne ukrainienne n’en a pas.
C’est donc dans ce contexte que, ce 6 juin, après les démentis de M. Lecornu, le président Macron a annoncé que la France proposerait de céder des Mirage 2000-5 à l’Ukraine.
« Nous avons toujours la même philosophie : nous aidons les Ukrainiens à résister, mais nous ne voulons pas l’escalade. Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie. Demain, nous allons annoncer la cession de Mirage 2000-5 qui permettront à l’Ukraine de protéger son espace aérien. Nous lancerons des formations. La France bâtit une coalition avec d’autres partenaires. Le facteur important c’est le temps de formation. L’objectif est la fin de l’année, pour les avions et la formation », a en effet déclaré le locataire de l’Élysée, sur les antennes de TF1 et de France 2.
Au passage, un programme de formation est d’ores et déjà lancé puisque des élèves-pilotes ukrainiens sont actuellement sur la base aérienne de Cazaux, où ils apprennent leur futur métier sur Alphajet. Mais, apparemment, les futurs pilotes ukrainiens de Mirage 2000-5 restent encore à recruter et à former.
« Ce qui est le facteur dimensionnant, c’est le temps de formation des pilotes. On va proposer au président Zelensky que les pilotes soient formés dès cet été. Il faut normalement cinq à six mois. Et donc que, d’ici la fin de l’année, il puisse avoir pilotes et avions », a ajouté M. Macron.
Sauf qu’il faut plus de temps pour former un chef de patrouille… « Un pilote de chasse, en temps de paix, n’atteint son pic technique qu’au bout de quatre à cinq ans de vie opérationnelle, ayant vécu un éventail de missions suffisamment vaste pour être techniquement agile, tactiquement lettré et productif pour l’unité. Bien sûr, on peut couper dans une formation de ce genre afin de ‘lancer’ plus tôt un pilote dans le grand bain. On peut former en 3 mois au lieu de 6, ignorer le ravito [ravitaillement en vol] ou alléger certains aspects si le pilote est ‘combat proven’, mais cela se paie en temps de guerre », a ainsi souligné le compte « Escadrons de Chasse français », via X |anciennement Twitter], alors que la rumeur sur la cession de Mirage 2000D commençait à poindre, en mars 2023.
La première conséquence de cette annonce est que le groupe de chasse 1/2 Cigognes, qui est actuellement la seule formation de l’armée de l’Air & de l’Espace à être équipée de Mirage 2000-5, pourrait être dissous d’ici la fin de cette année… alors qu’il est régulièrement sollicité pour la mission Baltic Air Policing, dont l’objet est d’assurer des missions de police du ciel au profit des États baltes, sous l’égide de l’Otan. À moins, toutefois, que les avions en question soient les Mirage 2000-5 que la Grèce souhaite retirer prochainement du service.
Par ailleurs, M. Macron a également évoqué le souhait de la France de former une brigade de l’armée ukrainienne. « Le défi qu’a l’Ukraine, c’est qu’elle a mobilisé plusieurs dizaines de milliers d’hommes pour aller au front. Le défi, c’est évidemment de les former, de les équiper. Ce que nous proposons, c’est de former 4500 soldats ukrainiens. Et donc de les équiper, de les entraîner et puis de leur apporter justement les munitions, les armes, ce qui leur permettra de défendre leur sol. Et ça, cette brigade, si je puis dire française, c’est clé. C’est un facteur très dimensionnant. […] On passe à un nouveau stade », a-t-il développé.
Laurent LAGNEAU
crédit photo: armée de l’air
06/06/2024