Le renseignement militaire ukrainien revendique des attaques contre les troupes russes en Syrie.
Si elle a finalement réintégré la Ligue arabe, la Syrie se trouve toujours dans une situation très compliquée, faute d’une normalisation politique susceptible de mettre un terme à la crise qu’elle traverse depuis maintenant treize ans
Fin mai, l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Syrie, Geir Pedersen, a expliqué que, en l’absence d’un véritable processus politique, toutes sortes de « tendances négatives », par ailleurs « porteuses de terribles risques » pour les Syriens et la communauté internationale, étaient en train de « s’envenimer ». Et de noter « l’affolante myriade » d’acteurs locaux et internationaux « engagés dans le conflit, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Syrie », où il est estimé que 16,7 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire pour vivre [et survivre].
Cinq ans après la fin du « califat » qu’il avait autoproclamé, l’État islamique [EI ou Daesh] reste actif, de même que l’organisation jihadiste Hay’at Tahrir el-Cham, affiliée à al-Qaïda. Soutenue par la Turquie, l’Armée nationale syrienne s’oppose aux Forces démocratiques syriennes [FDS] qui, dominées par les milices kurdes [YPG], sont appuyées militairement par la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis. Ces derniers sont également proches d’autres groupes rebelles, comme le « Maghaweir al-Thowra » [« Les commandos de la révolution »], implanté dans le sud du pays.
Cette présence militaire américaine en Syrie donne lieu à des tensions avec les soutiens du régime de Bachar el-Assad, à savoir les forces russes et les milices chiites alignées sur les intérêts iraniens. Milices qui sont régulièrement visées par des frappes aériennes menées par Israël qui… appuie également des groupes rebelles actifs dans les environs du plateau du Golan, comme Liwaa’ Fursan al-Joulan [« Les chevaliers du Golan »].
D’après les révélations du Kyiv Post, un autre acteur est venu s’ajouter à cette liste. En effet, selon une vidéo publiée par ce journal, des commandos relevant de la Direction du renseignement du ministère ukrainien de la Défense [GUR] harcèleraient les forces russes déployées dans le secteur du plateau du Golan. Récemment, la Russie y a construit une douzaine de postes d’observation le long de la ligne « Bravo », le but étant de préserver son allié syrien tout en éloignant les milices chiites afin de garder ses relations avec Israël.
Selon une source du GUR citée par le Kyiv Post, les commandos ukrainiens, réunis au sein d’une escouade « spéciale » appelée « Khimik » [« chimique »], attaquent les points de contrôles, les installations et les patrouilles russes. Et cela en utilisant des engins explosifs improvisés [EEI], en lien avec l’opposition syrienne ». Laquelle ? Le quotidien ne l’a pas précisé.
L’une des raisons avancées par cette source pour expliquer cette action en Syrie serait que la Russie profiterait de sa présence dans ce pays pour recruter des « mercenaires », lesquels seraient envoyés ensuite en Ukraine, après une brève formation militaire. « Les combattants syriens reçoivent un passeport russe avant de rejoindre l’armée », a-t-elle affirmé.
Cette explication vaut le crédit qu’on veut bien lui accorder… En tout cas, en février dernier, le GUR a publié les noms de ressortissants syriens qui auraient été recrutés par les forces russes pour combattre en Ukraine.
« La formation se déroule sur le territoire syrien, à proximité de la ville d’Alep et de l’aérodrome de Kuweires. Un premier groupe d’environ 1000 mercenaires a suivi une formation mettant l’accent sur les opérations de combat en zone urbaine. Après avoir terminé leur formation, les mercenaires syriens ont été envoyés à la base aérienne de Hmeimim, puis de là vers la Fédération de Russie. À leur arrivée, ils ont reçu des passeports russes, puis ont été mobilisés dans l’armée d’occupation », avait expliqué le renseignement militaire ukrainien.
Sous réserve que les images diffusées par le Kyiv Post soient authentiques, cette présence de forces spéciales ukrainiennes en Syrie est un revirement de la part du GUR. En effet, sur la foi de documents confidentiels ayant fuité via la plateforme Discord, l’an passé, le Washington Post avait révélé que Kiev avait l’intention de frapper les forces russes ainsi que le groupe paramilitaire Wagner sur le sol syrien, l’objectif étant de forcer Moscou à retirer des troupes du front ukrainien pour les redéployer au Levant.
Le projet ukrainien prévoyait d’entraîner des combattants des FDS à cette fin. Ce qu’un porte-parole de ces dernières avait démenti auprès du quotidien américain. D’ailleurs, s’en prendre aux troupes russes n’était pas forcément dans leur intérêt. Cela étant, au regard des contraintes logistiques et, sans doute des pressions américaines, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, aurait annulé cette opération… Du moins, le croyait-on.
En tout cas, il est avéré que les forces spéciales ukrainiennes ont visé des paramilitaires de l’ex-organisation russe Wagner au Soudan. Des vidéos, diffusées par CNN en septembre 2023, ont en effet confirmé que « les services spéciaux ukrainiens étaient probablement à l’origine d’une série de frappes de drones près de Khartoum » et qu’ils « menaient une opération terrestre contre une les Forces de soutien rapide [RSF] » soudanaises, appuyées par l’ex-Wagner. D’autres images de cette présence en territoire soudanais ont depuis été publiées par le Kyiv Post.
Laurent LAGNEAU
Opex360.com – Zone militaire
04/06/2024