Mise au point du Général Jean Claude Lafourcade suite à la déclaration du Président Macron du 4 avril 2024.
« La France aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains mais n’en a pas eu la volonté » (Pdt Macron)
En tant qu’ancien commandant de l’opération Turquoise je peux témoigner que la France a eu la volonté de rétablir la paix et d’arrêter le génocide au Rwanda.
Dès le début de l’agression du Rwanda par le FPR tutsi, le Président Mitterrand a eu la volonté constante de rétablir la paix et de mettre fin au conflit en imposant des négociations au Président Hutu Habyarimana. Les accords d’Arusha en 1993 ont permis d’arrêter les combats et d’instituer un partage du pouvoir avec l’installation d’un bataillon du FPR à Kigali. Une force de l’Onu de 2.500 hommes, la Minuar, a été mise en place pour contrôler ces accords. Tous les soldats français ont alors quitté le Rwanda.
L’attentat sur l’avion du Président rwandais le 6 avril 1994 a été l’événement déclencheur des massacres et du génocide. L’ONU, sous la pression des occidentaux et du FPR, a alors inexplicablement retiré l’essentiel des troupes de la Minuar alors qu’elle aurait pu arrêter les massacres. Comment ne pas penser que les américains et les britanniques voulaient laisser le champ libre à Kagame dans sa conquête du pouvoir. En effet ces occidentaux, lorsque les massacres ont pris de l’ampleur, ont refusé d’intervenir. C’est la France la première qui, dès le mois de mai, reconnait un génocide et décide d’une intervention avec la Force Turquoise sous mandat de l’ONU malgré l’opposition du FPR et de la Minuar. Aucun de ses « alliés occidentaux » ne s’est joint à elle.
L’opération Turquoise a été la manifestation de la volonté de la France d’arrêter le génocide et le nier n’est pas acceptable pour les soldats qui ont rempli cette mission difficile avec courage et honneur. Mais les blocages des américains à l’Onu n’ont permis l’intervention Turquoise qu’au mois de juin, laquelle, bien que tardive, a arrêté le génocide et sauvé plus de 15.000 vies rwandaises.
Pourquoi refuse-t-on de s’interroger sur l’absence de volonté des occidentaux d’arrêter le génocide alors que la France était la plus mal placée pour le faire compte tenue de ses accords de coopération précédents avec le Rwanda ?
Général (2S) Jean-Claude LAFOURCADE
Lille le 5 avril, 2024