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L’Œil de l’ASAF
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FÉVRIER 2025
L’HÉRITAGE ET LA CRÉATION
Valérie ANDRÉ : un exemple à ne pas oublier !
Le général Valérie ANDRÉ a pris son dernier envol le 21 janvier. Cette fois « vers les étoiles » comme elle le disait ; définitivement. Du « Monde » au « Times », elle a été saluée avec admiration dans la grande presse nationale et internationale, dans les meilleurs titres régionaux comme sur les réseaux sociaux.
Mais à-peine dix jours ont passé et déjà le silence ! La voici en grand risque d’être oubliée.
Faut-il nous résigner à la lessiveuse médiatique ?
Chères amies et chers amis, nous voudrions que nous ne laissions pas enterrer une seconde fois cette grande dame et grande Française : pionnière de l’aviation, héroïne audacieuse des évacuations sanitaires, figure majeure de notre histoire militaire moderne et défenseur acharnée de l’intégration et du changement du statut des femmes dans nos armées.
Tout a été dit, ou presque, sur cette femme exceptionnelle. Résumons :
Alsacienne de 17 ans, elle refuse de rester dans une province devenue ‘Gau’ nazi et échappe à la S-Polizei allemande ; à 25 ans, docteur en médecine après sa thèse sur la pathologie du parachutisme, elle est brevetée pilote et parachutiste cette même année 47. Elle choisit aussitôt de s’engager en Indochine : elle y est la première femme à exercer en tant que médecin militaire. Qualifiée en chirurgie de guerre, puis brevetée pilote d’hélicoptères, elle effectue 129 vols de guerre, « evasane » 165 blessés graves français et vietminh qu’elle ramasse, stabilise, parfois opère puis évacue, souvent sous le feu ennemi. Au passage, elle est la première femme à apponter sur un porte-avions.
Encore quelques années, la voici à nouveau en Algérie pendant cinq autres années, dans les mêmes conditions.
Colonel en 1970, Valérie André est promue en 1976 médecin général – toute première femme général en France – puis médecin général inspecteur du Service de santé des armées, avant de passer en 2ème section en 1981.
Elle co-fonde alors la « Ligue française de secours et de sauvetage aérien » (LIFRASSA) : son expérience de médecin militaire, chirurgien et pilote d’hélicoptère fait évoluer les techniques du sauvetage aérien. Elle préside aussi une « commission d’études prospectives pour la femme militaire » et contribue à faire ouvrir toutes les portes de l’institution militaire aux femmes.
Ses mérites en font la femme militaire sans doute la plus décorée au monde, la troisième femme à être élevée à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur et la première à recevoir la même distinction dans l’ONM.
Son parcours rappelé, quoi faire maintenant ?
Nous voudrions que chacun de nous retienne d’abord que cette pionnière et visionnaire a beaucoup apporté aux progrès de la médecine de l’avant et des EVS médicalisées : elle a ainsi sauvé beaucoup des nôtres. Retenir aussi qu’elle a œuvré obstinément à l’égalité des genres dans nos armées.
Nous voudrions que nous sachions saluer, non pas la femme élégante et souriante, mais la combattante d’exception physiquement courageuse, opiniâtre et déterminée, excellente camarade à l’écoute des autres, sachant manier l’humour de popote et même braver les codes militaires : bref un modèle de soldat et d’officier totalement engagé dans la guerre sans rien perdre de son humanité.
Nous voudrions surtout que nous décidions d’agir ensemble pour transmettre sa mémoire.
Par la parole et par l’écrit bien sûr.
En prenant aussi la tête d’une démarche commune au monde combattant pour suggérer à la Direction centrale du Service de santé des armées de baptiser son siège du 60 boulevard Général Vallin à Paris du nom de Générale Valérie André.
Enfin, dans la même démarche commune, en mobilisant élus, ministère délégué à la mémoire et aux anciens combattants, académie de l’air et de l’espace, associations du monde combattant… et nous-mêmes pour le financement par souscription et la réalisation d’un buste qui serait installé à Strasbourg, ville natale de Valérie André.
L’ASAF n’est-elle pas toute entière désignée et prête à appuyer la personnalité que nos autorités – le CEMA ? la ministre déléguée ? – voudrait bien désigner pour piloter ce projet ?
« Il n’y a pas de mission périlleuse, il y a seulement des missions qu’il faut accomplir à tout prix » disait le Général Valérie André. « …ils trouvent dans l’accomplissement de leur devoir une forme plus haute du bonheur… » faisait écho Saint-Exupéry (Citadelle).
Notre devise dans cette haute tâche de mémoire ?
GCA (2S) Robert MEILLE
Vice-Président de l’ASAF.