SALON : Le Bourget «des légendes»

Posté le samedi 24 juin 2017
SALON : Le Bourget «des légendes»

Malgré l'émergence d'autres salons dans le monde, Le Bourget reste, et de loin, le premier rendez-vous mondial de l'aéronautique. Vincent de la Vaissière(*), président du cabinet de communication VcomV, analyse pourquoi et comment l'événement parisien a pu conserver son leadership.

Pourquoi le Salon du Bourget reste-t-il le premier Salon mondial de l'aéronautique et de l'espace? Pourquoi s'inscrit-il à ce point dans le temps industriel? Pourquoi est-ce donc un salon que le monde entier nous envie? Serait-il sans équivalent sur son marché? La magie viendrait-elle s'ajouter au prestige pour en faire le Bourget de toutes les légendes?


C'est d'abord le privilège de l'ancienneté car, dès 1908, les industriels français de l'aéronautique ont été conviés au Salon de l'automobile à Paris. Puis, c'est à eux que revient l'initiative de «l'exposition de la locomotion aérienne» qui s'est tenue du 25 septembre au 17 octobre 1909 au Grand Palais. Il faudra attendre 1953 pour que le Salon se tienne intégralement au Bourget.

L'aéronautique est bel et bien une passion française: nous sommes les inventeurs de l'aviation et nous avons une communauté aéronautique (pilotes, chercheurs et ingénieurs, civils et militaires) qui se retrouve de façon bisannuelle en communion avec le ciel du Bourget. Cette vocation nationale sera encore soulignée cette année du fait du 90e anniversaire de la première traversée, sans étapes, de l'Atlantique Nord par Charles Lindbergh (27 mai 1927).

Une construction industrielle française

L'aéronautique est aussi une construction industrielle française. Il y a parfois de bonnes raisons de brocarder l'État actionnaire mais, dans ce domaine, force est de constater qu'il n'a pas failli. Bien au contraire, il a réussi à bâtir une filière aéronautique et spatiale d'excellence dont le Salon du Bourget est LA vitrine. Nous en avons des pépites qui volent en escadrille (Airbus, Dassault Aviation, Safran, Thales...) ou qui restent une carte maîtresse dans le spatial (ArianeGroup, Cnes...).

Cette passion industrielle et ce soutien résolu des pouvoirs publics ont donné au Salon du Bourget un renom et même un supplément d'âme que l'on retrouve nulle part ailleurs. Sans chauvinisme, on peut dire que le Salon du Bourget est l'un des deux grands salons internationaux avec Farnborough, le salon britannique organisé, tous les deux ans, en alternance avec le Bourget. Mais Farnborough est deux fois plus petit en espace occupé sous hall ainsi qu'en visites professionnelles. Mais Farnborough compte 50 % en moins d'exposants que le Bourget. Mais Farnborough n'a pas la proximité d'une ville comme Paris.

«The place to be»

Les salons de Berlin (Ila), de Dubaï et de Singapour font plus figure de grands salons régionaux, le premier est tourné vers les pays de l'Est, le second est concentré sur le Moyen-Orient et l'Afrique, le troisième est orienté Asie. Les salons de Bangalore en Inde, de Fidae au Chili, de Maks en Russie et de Zhuhai en Chine sont davantage des salons de fierté nationale et populaire. Il y a bien des salons de niche mais qui sont spécialisés sur un seul segment de marché (l'aviation d'affaires avec l'américain NBAA ou le suisse EBACE ; le militaire avec le malaisien Langkawi...). Le seul à faire mondialement référence, c'est celui du Bourget tant il est le salon de tous les salons.

C'est celui qui coche toutes les cases, civiles et militaires, à la fois le plus complet et le plus universel. Celui qui est le carrefour de tous les acteurs et le champ clos de la compétition industrielle, commerciale et médiatique entre Airbus et Boeing... Bref, c'est «the place to be», le rendez-vous incontournable car ne pas y participer, c'est un peu, beaucoup donner le signal de ne pas faire partie du club très fermé des grands de l'aéronautique et du spatial! Cette année, les Chinois sont à nouveau présents au Bourget, tout auréolés du succès du premier vol d'essais du Comac C919 du groupe, qui ambitionne de concurrencer les Airbus A320 et les Boeing 737.

Une grande fête populaire

Les Américains sont jaloux du Bourget car c'est un Salon qu'ils n'ont pas, en tout cas pas dans sa globalité tant ils multiplient sur leur territoire les salons spécialisés. Il faut dire que ce Bourget, c'est l'un des rares moments où la France est totalement légitime: un centre de gravité géographique (le pays est survolé chaque jour par 10 000 aéronefs), un condensé de tout ce qui se fait de mieux dans notre industrie (des avions de combat aux avions gros porteurs, civils et militaires, en passant par les drones et les jets d'affaires, les satellites et les lanceurs), un lieu d'échange et de partage entre industriels du monde entier.

Le Salon du Bourget est aussi une formidable caisse de résonance. C'est une couverture presse impressionnante avec plus de 4 000 journalistes accrédités. C'est le salon du «buzz» et des annonces médiatiques à un point tel que la bonne santé des entreprises exposantes se mesure au nombre d'annonces faites sur place. Airbus et Boeing font ainsi tous les deux ans les écureuils pour mieux sortir leurs noisettes à cette occasion.

Le Salon du Bourget est enfin une grande fête populaire à faire rêver des adultes qui redeviennent des enfants, venir des mordus de «l'aéro» pour visiter et revisiter le Musée de l'air et de l'espace, fantasmer des fanas de roman d'espionnage qui se prennent pour des agents secrets...

(*)Vincent de La Vaissière vient de publier son étude bisannuelle sur les entreprises du CAC 40

Véronique GUILLEMARD

Source : lefigaro.fr