LIBRE OPINION du Général d’armée Pierre de VILLIERS, Chef d'Etat Major des Armées. «Lettres à un jeune engagé» - Liberté d'action.

Posté le dimanche 25 juin 2017
LIBRE OPINION du Général d’armée Pierre de VILLIERS, Chef d'Etat Major des Armées. «Lettres à un jeune engagé» - Liberté d'action.

Mon cher camarade,

 

Comme je vous l’avais annoncé, cette nouvelle lettre est la première d’une série consacrée aux trois principes de la guerre du maréchal Foch : la liberté d’action, l’économie des forces et la concentration des efforts.

Avant même de vous livrer – très librement – quelques réflexions sur chacun de ces grands principes, répondons à cette question première : est-il raisonnable de considérer qu’il puisse exister des vérités fondamentales susceptibles de régir la conduite de la guerre ?

Si on attend des principes qu’ils nous assurent la victoire, alors la réponse est non ; aucune recette miracle ne permet de sortir vainqueur, à coup sûr. Mais, c’est tout à fait différent si l’on considère ces principes, seulement, pour ce qu’ils sont : des règles d’action, tirées de l’infinie variété des situations rencontrées dans la conduite de la guerre, aujourd’hui et hier. Ils révèlent, alors, leur absolue nécessité, en nous préservant de bien des erreurs fatales ! Reste, ensuite – et ce n’est pas le plus simple –, à tirer le meilleur parti du terrain, des conditions de température et de pression, et du rapport de forces, tels qu’ils se présentent à l’instant « T », à tel endroit, face à tel ennemi. Chaque cas reste un cas unique !

Premier principe, donc, objet de cette lettre : la liberté d’action. Il commande de ne pas subir la volonté de l’adversaire ; de rester maître de son action ; d’en choisir le lieu, le moment et l’intensité, afin de contrecarrer les plans de l’ennemi sur nous et de lui imposer, in fine, notre volonté et nos desseins. Le principe de la surprise contribue directement à la conquête de cette liberté ; la surprise que l’on impose et pas celle que l’on subit. Je lui consacrerai, d’ailleurs, une de mes prochaines lettres.

A l’opposé de la liberté d’action, on trouve la passivité et le fatalisme. L’un comme l’autre conduisent à la défaite. Dans les deux cas, on s’abandonne. D’un côté, on laisse à l’ennemi le soin de décider de l’enchainement des évènements, que ce soit par excès de confiance ou par manque d’imagination : c’est la passivité. De l’autre, on se croit dans l’incapacité de peser sur les évènements ; pire, on se console de voir l’inéluctable se produire, et venir, ainsi, confirmer nos prédictions désespérées, excuses de notre faiblesse : c’est le fatalisme.

Une chose est sûre : seuls les poissons morts suivent, scrupuleusement, le sens du courant ! La liberté d’action, celle du contre-courant, est fille de volonté. Je suis libre d’agir à la condition, expresse et première, de l’avoir décidé. C’est la force du courage, de l’imagination et du caractère qui nous rend libres de décider et d’agir. A l’inverse, l’abîme de la défaite guette les moutons de Panurge.

Chacun, là où il est, doit s’employer à garantir la liberté d’action de l’ensemble ! Exigence essentielle, sur laquelle insiste le maréchal Foch : « C’est de cette idée de liberté à sauvegarder que nous devons constamment nous inspirer, si nous voulons, à la fin (…) nous trouver libres, c’est-à-dire vainqueurs, et non dominés, c’est-à-dire, vaincus ». Gardons l’initiative !

Ne soyons pas prisonniers de schémas statiques. Plus que jamais, cassons la routine pour répondre au raccourcissement du temps et à la contraction de l’espace qui restreignent la zone de manœuvre.

N’oublions jamais que, pour exister, la liberté a besoin de vérité. Elle s’impose comme le meilleur chemin pour convaincre, entraîner, unir et gagner au combat. On s’engage, facilement derrière quelqu’un qui tient un discours de vérité et qui exprime, à travers toute sa personne, la franchise, l’honnêteté et la vraie liberté.

En réalité, on voit bien qu’au-delà du principe de la guerre, il y a dans la liberté d’action un véritable principe de vie, qui lui donne à la fois son sens et sa saveur…

Pour rester libre d’agir, il faut savoir économiser ses forces. Une préoccupation d’une brûlante actualité que j’aborderai dans ma prochaine lettre.

 

Fraternellement,

Général d’armée Pierre de Villiers

 

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Source : État-major des armées