LIBRE OPINION de Julien STEIMER : L'électronique de défense d'Airbus passe aux Etats-Unis.

Posté le mardi 22 mars 2016
LIBRE OPINION de Julien STEIMER : L'électronique de défense d'Airbus  passe aux Etats-Unis.

Airbus cède son électronique de défense pour 1,1 milliard

Le fonds américain KKR reprend l’électronique de défense d’Airbus. Il l’emporte face à des candidats comme Thales ou Rheinmetall. 

 

Tom Enders, PDG du groupe, tient parole. En septembre 2014, il avait annoncé que le géant européen se concentrerait sur son cœur de métier, « tout ce qui vole », qu’il s’agisse d’aéronautique militaire ou civil. Et qu’il se séparerait des activités dites « non stratégiques ». C’est dans ce cadre que le constructeur aéronautique a annoncé, le 18 mars, la cession de sa filiale Defence Electronics, qui produit des capteurs et des systèmes liés à la défense et à la sécurité. L’entité réalise un chiffre d’affaires annuel de l’ordre du milliard d’euros et emploie environ 4 000 personnes, essentiellement à Ulm, en Allemagne.

 

Plusieurs repreneurs étaient sur les rangs, dont le français Thales, leader mondial sur ce marché, l’allemand Rheinmetall et divers fonds. L’heureux élu est le fonds d’investissement américain KKR, qui gère 120 milliards de dollars de participations dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures, de l’immobilier, de la finance et de l’industrie, dont l’entreprise française Tarkett, spécialisée dans les revêtements de sol.

Airbus assure que cette transaction de 1,1 milliard d’euros garantit à Defence Electronics un développement prometteur. KKR est connu du « Mittelstand » allemand pour ses lucratives opérations d’acquisition, de restructuration et d’introduction en Bourse de fleurons industriels comme le fabricant de chariots élévateurs Kion ou le constructeur de moteurs d’avion MTU Aero Engines, d’ailleurs un des sous-traitants d’Airbus.

 

Réinvestir sur le marché des hélicoptères                                                               

Selon un acteur du marché, KKR aurait payé un prix important. Une bonne affaire pour Airbus, qui déclare toutefois ne pas vouloir se désengager du secteur de la défense, au moment où les budgets militaires sont à la hausse, notamment au Moyen-Orient et en Asie. Avec les gains de cette cession, le groupe promet d’investir sur le marché des hélicoptères. Mais aussi de rémunérer davantage ses actionnaires.

Avec cette opération, ce sont donc les activités de capteurs militaires, de guerre électronique, d’avionique et d’optronique d’Airbus qui passent sous pavillon américain. Selon le journal allemand « Die Welt », le groupe européen pourrait conserver 25 % du capital pendant trois ans, afin de « faciliter la transition pour les salariés et pour les partenaires de l’identité », précise Airbus. Par ailleurs, le groupe aéronautique assure que les autorités allemandes, associées à chaque étape de la négociation, ont donné leur accord de façon informelle, moyennant un droit de regard sur certaines technologies. Néanmoins, l’opération ne sera pas bouclée avant le premier trimestre 2017, le temps d’obtenir toutes les autorisations nécessaires.

Si KKR fait valoir que l’acquisition développera l’emploi et l’activité sur le Vieux Continent, certains observateurs estiment qu’un rapprochement de Defence Electronics avec Thales ou BAE aurait pu donner naissance à un acteur assurant à l’Europe sa souveraineté. Pour un professionnel du secteur, la faible coopération entre Européens a déjà fait basculer le « centre de gravité de ces spécialités vers les Etats-Unis ». Mais les synergies industrielles et financières entre Defence Electronics et KKR en ont décidé autrement, au moment où l’Union européenne et ses 28 Etats membres peinent à sortir l’Europe de la défense de sa torpeur.

 

 

Julien STEIMER

Secrétaire général d’AXA France

Source : La Tribune