EUROPE DE LA DÉFENSE : La très belle trahison de la Suède qui s'offre le Patriot. LIBRE OPINION de Michel CABIROL.

Posté le samedi 11 novembre 2017
EUROPE DE LA DÉFENSE : La très belle trahison de la Suède qui s'offre le Patriot. LIBRE OPINION de Michel CABIROL.

Après un voyage à Washington en mai, le ministre de la Défense suédois Peter Hultqvist a complètement cédé à la pression de Washington qui lui a finalement vendu des Patriot (Crédits : Raytheon)
Stockholm hésitait entre l'Europe et les Etats-Unis pour l'achat de son système de défense antiaérienne. La Suède a choisi le Patriot plutôt que le SAMP/T proposé par l'Italie et la France.

Entre l'Europe et les Etats-Unis, la Suède a choisi... Washington et le missile Patriot malgré une offre européenne (France et Italie) de très bonne qualité avec le système SAMP/T armé des missiles Aster et surtout moins chère de 30% à 40%. Triste Europe de la défense. C'est le ministre de la Défense suédois qui est à l'origine de cette décision incroyable contre l'avis même des opérationnels, notamment la DGA suédoise (Swedish Defence Materiel Administration). Au centre d'un énorme scandale, Peter Hultqvist est pourtant resté en place alors que les identités d'agents des services de renseignement suédois ont été révélées de façon accidentelle.

La Suède pourtant membre de la LOI européenne

En tout cas, le choix de Stockholm a été un test pour savoir si l'Europe de la défense était une réalité ou si elle ne restait qu'un joli concept. Le choix américain de Stockholm est clair d'autant plus qu'il installe définitivement le Patriot dans tous les pays nordiques. Le choix du Patriot est donc un choix politique plutôt qu'un choix opérationnel et économique de la part de la Suède. Fruit d'un accord entre le gouvernement social-démocrate/Verts et deux partis d'opposition (conservateurs et Centre) en août, il s'inscrit directement dans le cadre de l'accord signé entre Stockholm et Washington en 2016 en vue d'une coopération militaire resserrée entre les deux pays, a expliqué le ministère de la Défense suédois.

La lettre d'intention (Letter of Intent - LoI), signée le 6 juillet 1998 par les ministres de la Défense des six pays principaux producteurs d'armement en Europe (Allemagne, France, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède), est pourtant destiné à favoriser la mise en place d'un environnement favorable à une industrie de défense intégrée. En outre, le régime a légèrement évolué dans le sens d'une harmonisation des droits de propriété intellectuelle dans les six pays.

Le SAMP/T était favori au début de la compétition

La Suède a donc sélectionné le système de défense antimissiles Patriot de l'américain Raytheon, au détriment de son concurrent franco-italien SAMP/T (MBDA et Thales), qui pourtant était favori au début de la compétition. Mais après un voyage à Washington en mai, Peter Hultqvist a complètement cédé à la pression américaine. Le ministère suédois de la Défense n'a pas fourni de détails sur ce contrat évalué par l'agence chargée de l'acquisition des matériels militaires à 10 milliards de couronnes (1 milliard d'euros).

La décision d'acheter un système de défense antiaérien est conforme au cap stratégique fixé en 2015 par la Suède et qui prévoit, eu égard à la "dégradation de la sécurité" régionale, de renforcer la capacité opérationnelle de ses forces armées après des années d'austérité, souligne le ministère dans un communiqué.

La Suède veut recevoir ses batteries à partir de 2020

Cette annonce survient quelques heures après une rencontre entre les ministres nordiques de la Défense et le chef du Pentagone, James Mattis, en Finlande, pays dont la frontière orientale est la plus longue que partage l'Union européenne avec la Russie. Sur le plan purement tactique, le Patriot "est un système qui a fait ses preuves, assorti de bonnes garanties de livraison et de la capacité à contrer les missiles balistiques", justifie le gouvernement suédois. Ce qui est également le cas du SAMP/T, déjà adopté par onze forces armées dans le monde. Ce système équipé de missiles Aster 30 B1, peut traiter aussi bien des cibles conventionnelles que des cibles balistiques. Il peut suivre des centaines de trajectoires et engager 10 cibles simultanément.

La Suède souhaite recevoir les batteries sol-air à partir de 2020 et au plus tard en 2025. Le Patriot remplace un autre système américain employé par la Suède, Hawk, qui affiche une portée de 40 km contre 70 km pour le Patriot.

La France avait pourtant joué le jeu

La France avait notamment répondu présente du 11 au 29 septembre à l'exercice Aurora 17 sur le territoire suédois. Un exercice auquel de nombreux pays (Danemark, Estonie, Finlande, Lituanie, Norvège, États-Unis et France) ont participé cette année, dans l'objectif d'améliorer l'interopérabilité interalliée. Cet événement a représenté une opportunité pour l'armée de l'Air de faire la démonstration de sa capacité de projection et de renforcer son interopérabilité, notamment en matière de défense sol-air, avec ses alliés.

Pour cet exercice, la France a mobilisé l'escadron de défense sol-air (EDSA) de la base aérienne 125 d'Istres afin de démontrer sa capacité à répondre à des attaques balistiques ou à des intrusions d'aéronefs ennemis dans son espace aérien. L'armée de l'Air a acheminé jusqu'en Suède grâce à 50 camions le matériel de l'EDSA, comprenant deux sections Mamba et deux Crotale NG. En vain... Les Suédois ont préféré jouer dans la cour des Etats-Unis. Pourtant Saab et Stockholm sont bien contents de pouvoir faire la promotion du Gripen avec le missile air-air Meteor... de MBDA.



Michel CABIROL

(La Tribune)

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