DRONE. De nouveaux leviers pour accélérer la « dronisation » des armées françaises

Posté le vendredi 19 avril 2024
DRONE. De nouveaux leviers pour accélérer la « dronisation » des armées françaises

Entre volonté d’accélération et évolution des logiques d’acquisition, la filière drone française dispose depuis peu de deux nouveaux leviers de soutien direct ou indirect devant contribuer à la « dronisation » des armées françaises. 

Référencer les opportunités

Les drones, ce sont 5 Md€ potentiellement investis d’ici à 2030 pour équiper les armées françaises. C’est aussi un domaine dynamique, en constante mutation et pour lequel la demande explose, motivant certains acteurs à repenser leurs mécanismes d’acquisition pour gagner en agilité et s’assurer de capter l’innovation au moment opportun. 

« Pour suivre la vitesse d’évolution de ce marché, le Ministère des Armées s’adapte, en basculant d’un paradigme centré sur le développement de drones vers un paradigme d’achat de produit, disponible à la commande, permettant ainsi de rester dans le rythme des évolutions technologiques, tout en maintenant un soutien à la filière drone », indique . 

Cette bascule se matérialise par l’attribution, le 8 avril par la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) avec le soutien de la Direction générale de l’armement, d’un nouveau marché encadrant « la fourniture, à des fins de renseignement, de drones et de prestations de soutien associées ». Notifié au groupement formé par Survey Copter, EOS Technologie, Delair et Thales, ce marché doit favoriser l’acquisition « très réactive » de « drones de renseignement pouvant évoluer en catégorie spécifique » au profit de « nombreux utilisateurs des armées et au-delà ». 

Inscrite dans la logique d’ « économie de guerre », la démarche confie au groupement retenu le soin de référencer de manière évolutive « tout industriel ayant au préalable développé et fait certifier, pour un usage civil ou militaire, un drone pouvant servir à des fins de renseignement, et offrant des garanties suffisantes de sécurité et de souveraineté ». Une fois entrée dans cette base de données, la technologie pourra être achetée à des fins d’évaluation technico-opérationnelle et, en cas de succès, de déploiement opérationnel. 

L’intention de bousculer quelques codes semble bien là. Reste à la traduire en actes tangibles et utiles pour les forces, le raccourcissement envisagé de la boucle devant parfois encore se confronter à la surdose de normes et de démarches administratives régulièrement pointée du doigt mais que les armées travaillent à simplifier. Une culture de l’audace à construire ou à renforcer de chaque côté, la démarche demandant aussi « une certaine prise de risque des industriels, en développant des produits répondant à un marché s’étendant au-delà de l’équipement des armées françaises ».

Un quatuor expérimenté

Confier l’animation de ce dispositif à ce quatuor n’a rien d’étonnant. Tous équipent les forces françaises. Tous innovent, conçoivent et se démarquent régulièrement dans leurs segments respectifs. Filiale d’Airbus Defence and Space, Survey Copter est titulaire depuis 2021 du marché de « système de mini-drone aérien embarqué de la Marine » (SMDM). Visiblement satisfaite des 18 systèmes déjà fournis, la DGA a acté début février un contrat de 30 M€ pour l’acquisition de 15 exemplaires supplémentaires dont la livraison débutera dès la fin de l’année 2024. Survey Copter vise désormais la classe supérieure, un segment tactique léger (ou MAME) dans lequel l’entreprise prenait pied l’an dernier en dévoilant le drone Capa-X.

Plus discret, EOS Technologie est l’un des chefs de file de Larinae, appel à projet visant à progresser sur les munitions téléopérées (MTO) pour lequel la start-up de Mérignac (Gironde) travaille en collaboration avec TRAAK et KNDS France. Des travaux dont l’avancement était démontré par une vidéo récemment publiée – mais depuis effacée – d’une MTO manoeuvrante dotée d’un petit réacteur. Tout comme Survey Copter, EOS Technologie capitalise désormais sur l’expérience acquise pour étendre sa gamme vers le haut grâce aux drones Endurance 900 et Endurance 1200 présentés l’an dernier. 

Candidat malheureux aux projets Larinae et Colbiri, Thales a cependant investi sur fonds propres pour proposer une MTO baptisée Toutatis, tout en continuant d’étoffer la gamme Spy’Ranger par de nouveaux modèles et charges utiles. Le groupe vient également de consolider sa position par l’acquisition d’Aeromapper, partenaire de longue date spécialisé et dont l’expertise est mise à profit, entre autres, pour TOUTATIS. 

Quant à Delair, il faut avoir vécu ces 12 derniers mois dans une autre dimension pour ne pas en avoir entendu parler. Entre les livraisons successives à l’Ukraine et l’implication dans le projet Colibri, le droniste toulousain marquait récemment de nouveaux points avec les armées françaises. D’une part, au travers de l’expérimentation concluante de son drone DT26 dans le désert djiboutien par le centre d’expertise aérienne militaire (CEAM) et le commando parachutiste de l’air n°20 (CPA20). D’autre part, par l’achat de deux drones DT46 au profit de la Section technique de l’armée de Terre (STAT), qui les testera en vue d’un déploiement dans les armées. 

Soutenir l’accélération

Cité parmi les « bons élèves de l’économie guerre » par le ministre des Armées, Delair a su mettre le pied à l’étrier de l’accélération exigée par le contexte. Lancé de longue date, l’effort est désormais appuyé par l’ « Accélérateur Défense », un programme lancé la semaine dernière par la DGA et Bpifrance.

Engagé dans « un contexte particulier de passage à une économie de guerre », l’Accélérateur défense entend appuyer les PME de la filière défense confrontées aux défis de renforcement de l’outil industriel, de constitution de stocks stratégiques, de simplification des normes et procédures, ou encore d’attractivité. « Ce programme d’accompagnement vise ainsi à aider les entreprises sélectionnées à maximiser leur performance opérationnelle et ainsi se mettre en capacité de produire de plus gros volumes, plus vite, à coûts maitrisés et dans la durée », explique la DGA. 

Durant 12 mois, les 28 lauréats de la première promotion bénéficieront de prestations de conseils personnalisés, de sensibilisations collectives aux enjeux actuels de la filière et de mises en relation avec des réseaux d’entrepreneurs. Delair y côtoie d’autres noms moins médiatisés mais indispensables aux forces armées, tels qu’OBSAM, spécialisé dans la gestion de l’obsolescence industrielle, et DIXI Microtechniques, concepteur et fabricant de fusées mécaniques de munition. 

 

Nathan GAIN
Forces Opérations Blog - FOB
18/04/2024

Source : Forces Opérations Blog - FOB